Les réseaux sociaux ne seraient pas étrangers à la propagation de l’obésité infantile. Pour les chercheurs de l’université de New York, les géants du numérique participeraient largement à la promotion d'une alimentation riche en sucre et en graisses auprès des jeunes utilisateurs responsable d’un accroissement de l’obésité chez les enfants. Les résultats de leur étude ont été publiés dans l’édition d’octobre du mensuel américain Pediatrics.
Des contenus regardés par les enfants
L’obésité infantile est une des préoccupations majeures en matière de santé publique. Selon les chiffres de l’Organisation mondiale pour la santé (OMS), près de 43 millions d’enfants dans le monde de moins de cinq ans étaient en surpoids en 2016. En ce qui concerne l’Hexagone, l’Assurance maladie estime que 12% des enfants de grande section de maternelle sont en surcharge pondérale et que 3,5% sont obèses. Ces pathologies et toutes les complications de santé qui en découlent sont en grande partie évitables. Elles sont dans la grande majorité liées à l’alimentation, notamment aux produits transformés trop riches en graisse, en sucre et en sel.
Pour cette étude, les chercheurs ont analysé la manière dont les vidéos sur internet présentent la restauration rapide et la malbouffe. Ils ont basé leurs tests sur les cinq chaînes les plus populaires chez les enfants de 3 à 14 ans aux Etats-Unis. Ces chaînes, elles-mêmes tenues par des enfants, comptaient un total de 418 vidéos au moment de l’expérience.
Ils ont analysé les 50 vidéos les plus vues sur ces chaînes et 50 vidéos présentant de la nourriture ou des boissons sur les vignettes de présentation. Ils ont ensuite regardé si les enfants consommaient ces aliments dans leurs vidéos et combien de temps apparaissait la nourriture ou les marques des produits. Enfin, ils se sont penchés sur les qualités nutritionnelles des aliments présentés.
Sodas et malbouffe mis en avant
Dans ces cinquante vidéos, les références aux boissons et/ou à la nourriture ont été mentionnées 291 fois. L’ensemble des vidéos de ces cinq chaînes ont été visionnées 48 milliards de fois, et celles faisant référence à la nourriture cumulent à elles seules un milliard de visionnages. La plupart des produits cités faisaient référence à 90% pour des marques de fast-food (McDonald’s a été cité 81 fois), des bonbons (Kinder est cité 13 fois, M&M’s douze fois) ou pour des boissons (Coca-Cola est cité huit fois et Starbucks cinq fois). Les aliments sains, produits ou non par des marques, ne sont que très peu cités (les fruits ont été cités neuf fois et les yaourts sept fois seulement).
Dans ses conclusions, les chercheurs mettent en avant l’influence néfaste que peuvent avoir ces jeunes acteurs des plateformes internet de vidéos sur les autres enfants. En promouvant des placements de produits sponsorisés par des marques, les vidéastes n’aident pas la jeune génération à se tourner vers une alimentation qui ne mettra pas en danger leur santé sur le long terme.
De plus, les scientifiques affirment que la situation ne s’arrangera pas, notamment à cause des restrictions dues à la pandémie de coronavirus, qui imposent de limiter les activités en extérieur propices à permettre aux enfants de réaliser des activités physiques.
Influenceur junior: une histoire de gros sous
Ce que met également en avant l’étude, c’est également la dimension financière de la visibilité donnée à ces produits. Comme rapporté dans le préambule, “les entreprises du secteur de l’alimentation et des boissons dépensent 1,8 milliard de dollars par an en marketing ciblé sur les jeunes, ce qui est préoccupant étant donné que des études de laboratoire ont révélé que les enfants qui sont exposés à la publicité alimentaire consomment plus de calories que les enfants qui sont exposés à la publicité non alimentaire.”
Ils prennent également pour exemple l’influenceur le plus rémunéré par YouTube en 2018 et 2019: un garçon de huit ans qui a gagné 26 millions de dollars grâce aux publicités qui apparaissent avant la diffusion de ses vidéos et aux messages sponsorisés par les marques.
Ces placements de produits renforcent la notoriété des marques chez les enfants, ce qui influence également leur comportement d’achat auprès de leurs parents. De plus, les chercheurs soulignent que les enfants de moins de huit ans n’ont pas les capacités cognitives ni le recul nécessaires pour faire la distinction entre une publicité et un dessin animé.
Enfin, l’étude souligne qu’à cause de l’effet de masse suscité par les milliers de “j’aime” sur une vidéo, cela peut fausser le jugement des parents en leur faisant croire qu’il est socialement acceptable qu’un enfant regarde ce genre de vidéos. De plus cela créerait chez ces enfants un sentiment de confiance le rendant plus à même d’influencer leurs parents pour l’achat des produits présentés dans la vidéo.