- Ne pas compter les décès des personnes de moins de 65 ans fournirait un meilleur outil comparatif entre les pays puisque les personnes âgées sont sur-représentés dans certaines régions.
- Dans les maisons de retraite, la circulation du virus est plus active et dangereuse que dans le reste de la population.
- Les chercheurs ont établi un nouveau modèle dans lequel ils ont classé les décès en fonction de l’âge des patients.
Notre vision sur la circulation du coronavirus est-elle trompeuse ? Des chercheurs de l’université de Cambridge, de l’Institut Pasteur et du CNRS suggèrent que ne compter que les décès des personnes de moins de 65 ans à cause de la Covid-19 serat un indicateur plus fiable pour évaluer les taux d’infection. “La très forte diffusion de la Covid-19 dans les maisons de retraite en Europe et les données incomplètes de mortalité chez les personnes âgées dans certains pays, font qu’il est difficile de s’appuyer sur le nombre total de morts pour comparer le niveau de circulation du virus dans différents pays”, ont-ils écrit dans un communiqué publié le 3 novembre par l’Institut Pasteur. Les chercheurs ont présenté leurs résultats le 2 novembre dans la revue Nature.
Difficile de comparer les chiffres entre les pays
En ne comptant que les décès chez les personnes de moins de 65 ans, les chercheurs suggèrent que l’on obtiendrait un meilleur aperçu de la circulation du virus. En outre, cela fournirait un outil de comparaison plus précis entre les pays. “Une simple comparaison du nombre total de décès entre les pays peut être trompeuse dans sa représentation du niveau réel de transmission du SARS-CoV-2. La plupart des décès concernent des personnes âgées, mais ce sont les données les moins comparables d’un pays à l’autre”, poursuit Megan O’Driscoll, doctorante au département de génétique de l’université de Cambridge et première auteure de l’article.
Dans certains pays, le virus touche les personnes âgées de manière disproportionnée. Les auteurs notent qu’au Royaume-Uni, au Canada et en Suède, les résidents des maisons de retraite représentent 1 décès liés à la Covid-19 sur 5. À l’inverse, en Asie et en Amérique du Sud les personnes âgées ont officiellement un taux de mortalité bien inférieur à l’Europe. Les chercheurs avancent que cela pourrait être dû au fait que “les causes de mort dans les populations âgées sont moins susceptibles d’être étudiées et signalées, car la priorité de ces pays est de contenir l’épidémie.”
Un nouveau modèle en fonction de l’âge des patients
Les chercheurs avancent le fait que chez les personnes âgées, notamment ceux qui vivent en maison de retraite, la circulation du virus est plus active et dangereuse qu’ailleurs. “Les maisons de retraite sont des communautés de personnes isolées, et une fois que le virus y pénètre, il peut se propager rapidement, ce qui entraîne des niveaux d’infection plus élevés que dans la population générale. Nous constatons un nombre excessivement important de décès dus au Covid-19 dans cette tranche d’âge élevée, en particulier dans les pays qui comptent de nombreuses maisons de retraite”, précise le Dr Henrik Salje, du département de génétique de l’université de Cambridge, co-auteur principal du rapport. Ces personnes sont également plus fragiles et plus à risque de mourir suite à une infection, entraînant un déséquilibre avec le reste de population.
Les chercheurs ont établi un nouveau modèle dans lequel ils ont classé les décès en fonction de l’âge des patients grâce à 22 enquêtes dans 45 pays. Ces enquêtes leur ont également permis de mieux estimer le nombre de personnes infectées en estimant la proportion d’une population qui a développé des anticorps contre le coronavirus. “En analysant le risque relatif de décès par Covid-19 en fonction de l’âge, nous nous sommes rendu compte que beaucoup de pays partageaient le même profil de mortalité par âge chez les personnes de moins de 65 ans. Nous avons pu utiliser cette information pour reconstruire de façon plus fiable le nombre d’infections dans les différents pays même ceux pour lesquels aucune enquête de séroprévalence n’a été réalisée”, a justifié Simon Cauchemez, responsable de l’unité Modélisation mathématique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur et co-auteur principal de l’étude.
Dans les premières représentations de la transmission du virus dans la population de moins de 65 ans, les chercheurs “estiment qu’au 1er septembre de cette année, une moyenne de 5 % de la population des pays étudiés a été infectée par le SARS-CoV-2”. Ce modèle montre également que les taux de mortalité diffèrent en fonction des pays. “Par exemple, les personnes vivant en Slovénie ou au Danemark semblent avoir une probabilité de décès suite à une infection par le SARS-CoV-2 plus faible que celle mesurée à New York”, poursuivent les chercheurs.