Le cerveau est l’organe le plus important de notre corps. Il est la tour de contrôle qui envoie des informations partout dans le corps, le siège de notre intelligence et de nos émotions. Pour se protéger des dangers extérieurs, il est assisté par notre crâne, un ensemble d’os extrêmement solide. En revanche, pour se défendre contre les infections, il fait appel à ... notre intestin. C’est ce qu’ont découvert des chercheurs de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) et de l’Institut national de la santé (Etats-Unis). Ils ont publié leurs résultats le 4 novembre 2020 dans la revue Nature.
Jusqu’à présent, la communauté scientifique ne comprenait pas totalement le mécanisme de défense du cerveau contre les virus et les bactéries. A la différence des autres organes, qui sont également irrigués par le sang et qui peuvent être infectés par des parasites, le cerveau semblait relativement épargné. Pour tous les autres organes, ce sont les anticorps et les globules blancs du système immunitaire qui assurent leur protection, mais cela est impossible pour le cerveau, à cause des méninges qui forment une barrière imperméable à ces cellules, ce que l'on appelle la barrière hémato-encéphalique.
Les voies d’irrigation du cerveau sous surveillance
Pour mieux comprendre comment se faisait cette protection, les chercheurs ont étudié des souris, qui partagent des caractéristiques similaires à celles du corps humain. Ils se sont aperçus que les méninges de ces rongeurs abritent des plasmocytes, un type de lymphocyte B. En temps normal, les plasmocytes ne se retrouvent ni dans le sang, ni dans la lymphe. De même, les plasmocytes donnent naissance à des anticorps pour assurer la protection du corps.
Chez les souris, les plasmocytes sont situés à la lisière des vaisseaux sanguins qui passent dans les méninges, ce qui leur permet de sécréter des anticorps pour défendre le périmètre autour du cerveau. En y regardant de plus près, les anticorps présents dans les méninges sont des immunoglobulines A (IgA), alors que celles qui doivent se retrouver au contact du sang sont des immunoglobulines B (IgB). En temps normal, les IgA se retrouvent dans les muqueuses, que ce soient celles du nez, des poumons, mais principalement dans la muqueuse intestinale.
Lors du séquençage des gènes des anticorps, les équipes ont constaté que les plasmocytes des méninges et de l’intestin étaient liés. Pour faire simple, les cellules retrouvées dans les méninges sont les mêmes que celles qui se développent dans l’intestin, et qui répondent aux mêmes règles de défense contre des agents pathogènes.
Des anticorps de l’intestin pour protéger le cerveau
“La manière exacte dont le cerveau se protège des infections, au-delà de la barrière physique des méninges, est quelque peu mystérieuse, mais découvrir qu'une importante ligne de défense commence dans l'intestin a été une surprise, mais quand on y réfléchit bien, c'est tout à fait logique, souligne Menna Clatworthy, professeure au département de médecine à l’université de Cambridge. Même une petite brèche dans la barrière intestinale permettra aux bactéries de pénétrer dans le flux sanguin, avec des conséquences dévastatrices si elles sont capables de se propager dans le cerveau. L'ensemencement des méninges avec des cellules productrices d'anticorps sélectionnées pour reconnaître les microbes intestinaux assure la défense contre les envahisseurs les plus probables.”
Les chercheurs se sont rendus compte de l’importance de l’intestin en observant les souris; lorsqu’elles n’ont pas de bactéries dans l’intestin, les cellules produites par les plasmocytes des méninges sont des IgA. Une fois l’intestin infecté par des parasites, ils retrouvent des IgB près des méninges. En retirant les plasmocytes des méninges — et donc en supprimant les immunoglobulines chargées de piéger les parasites — les microbes ont pu se propager du flux sanguin jusqu’au cerveau.
L’équipe a confirmé la présence d’immunoglobulines A dans les méninges humaines en analysant des échantillons, ce qui montre que ce système défense joue un rôle important dans la protection du système nerveux central — méninges et cerveau — contre les parasites.