Et si la solution pour sortir de la pandémie était le traitement plutôt que le vaccin ? Pendant que la course au vaccin bat son plein, celle sur la découverte d’un traitement avance au moins tout aussi rapidement. Ces derniers jours, trois médicaments ont fait l’objet de publications scientifiques présentant leur efficacité pour neutraliser le virus.
Les nanocorps, une piste exploitée par deux équipes de chercheurs
La première piste de traitement est développée par des chercheurs allemands et repose sur un “sybody”, un mini anticorps synthétique, qui a été capable de bloquer le virus en laboratoire. Plus précisément, ce petit anticorps neutralise le récepteur du virus qui lui permet d’infecter les cellules. Le SARS-CoV-2 utilise le récepteur ACE2, présent à la surface de nos cellules, comme porte d’entrée vers celles-ci pour les infecter. Les chercheurs de l'European Molecular Biology Laboratory (EMBL), basés à Hambourg, ont réussi à trouver un produit qui se lie plus fortement au virus que le récepteur de nos cellules pour l’empêcher d’y accéder et de nous infecter. Ils ont présenté les résultats de leur recherche le 4 novembre dans la revue Nature Communications.
Ces petits anticorps, appelés “nanocorps”, sont présents chez les dromadaires et les lamas, étudiés depuis le début de la crise pour l’efficacité de leurs anticorps. “La nature est notre meilleur inventeur”, a estimé Yi Shi, professeur de biologie cellulaire à l’université de Pittsburgh (États-Unis) qui travaille également sur cette solution de traitement. Les deux équipes de chercheurs travaillent à trouver le nanocorps le plus efficace. Les chercheurs allemands ont concentré leur étude sur le “Sb23”, pour sybody numéro 23, qui a présenté les meilleurs résultats de neutralisation du virus SARS-CoV-2 en laboratoire. La prochaine étape consiste à vérifier l’efficacité de Sb23 chez l’humain.
Les chercheurs américains qui travaillent également sur un nanocorps ont montré l’efficacité de ce traitement après avoir mené des tests sur un lama qui s’est trouvé immunisé contre le SARS-CoV-2. Ils ont présenté leurs résultats le 5 novembre dans la revue Science. Une seule fraction du nanogramme injecté est parvenue à neutraliser suffisamment le virus pour éviter l'infection d'un million de cellules. Ce nanocorps peut être conservé à température ambiante et ne nécessite pas une réfrigération qui peut rendre son déploiement à travers le monde plus compliqué. Autre avantage, il peut s’inhaler et sa prise est donc moins contraignante qu’une prise de sang et pénètre directement les poumons, là où leur activité est la plus nécessaire. “Les nanobodies pourraient potentiellement coûter beaucoup moins cher, a poursuivi Yi Shi. Ils sont idéaux pour faire face à l'urgence et à l'ampleur de la crise actuelle.”
Un spray nasal qui empêche l’infection
L’autre piste de traitement repose sur un spray nasal qui bloque l'absorption du virus SARS-CoV-2. Les essais sont menés par des chercheurs américains de l’université de Columbia en collaboration avec des scientifiques de l’université de Cornell à New York et du Erasmus Medical Center aux Pays-Bas. Les résultats de leur étude réalisée sur des furets ont été présentés le 5 novembre dans une pré-publication parue sur BioRxiv. Le spray contient un lipopeptide, une particule de cholestérol liée à une chaîne d'acides aminés. Ce lipopeptide empêche le virus de venir se fixer sur nos cellules pour les infecter. “C’est comme si vous fermiez une fermeture à glissière mais que vous en mettez une autre à l’intérieur, de sorte que les deux côtés ne peuvent pas se rencontrer”, décrit Matteo Porotto, microbiologiste à l’université Columbia et l’un des auteurs de l’article.
Les chercheurs ont administré le spray à six furets et un placebo à six autres. Ces derniers ont été placé dans trois cages avec dans chacune deux furets qui ont reçu le spray et deux qui ont reçu le placebo. Un furet qui a été délibérément infecté par le virus a été placé dans chaque cage un ou deux jours plus tôt. Mener cette étude sur les furets est intéressant car, comme les humains, ils peuvent attraper des virus par le nez. Après 24 heures, tous les furets qui ont reçu le placebo ont été infecté par le virus alors qu’aucun des furets qui a reçu le spray nasal ne l’a été. “La réplication du virus a été complètement bloquée”, ont observé les chercheurs.
Les chercheurs souhaitent désormais mener leurs études sur des humains. “Si cela fonctionne bien chez les humains, vous pourriez dormir dans un lit avec une personne infectée ou être avec vos enfants infectés tout en restant en sécurité”, s’est félicitée Anne Moscona, pédiatre et microbiologiste à l’université de Columbia et co-auteure de l'étude. Par ailleurs, ce spray peut se fabriquer rapidement et à peu de frais puisqu’il suffit de mélanger la poudre blanche lyophilisée avec du sucre et de l'eau. “Parce que les lipopeptides peuvent être expédiés sous forme de poudre sèche, ils pourraient être utilisés même dans les zones rurales des pays pauvres dépourvus de réfrigération”, a poursuivi Anne Moscona.