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Alimentation

Pourquoi nous pensons que la jolie nourriture est plus saine

Par Jean-Guillaume Bayard

Une belle nourriture, qui correspond aux motifs idéaux retrouvés dans la nature, active nos circuits de récompense dans le cerveau et nous conduit à les imaginer plus sain et moins calorique.

Kritchanut/iStock
Pour que les aliments paraissent plus sains, le plus efficace est de se rapprocher d’une esthétique “classique”, caractérisée par les motifs idéaux trouvés dans la nature.
Malgré les mêmes informations sur les ingrédients et le prix, les participants à l'exprience ont jugé un joli plat plus sain, plus nutritif, contenant moins de calories et plus naturel que le même plat moins bien présenté.
Un avertissement à côté de la nourriture rappelant aux gens que la nourriture a été modifiée artificiellement atténue le biais entre l’esthétique et le caractère sain du produit.
Le marketing est partout autour de nous et chaque année nous sommes exposés à environ 7 000 publicités de produits alimentaires et de restaurants, selon des chercheurs américains de l’université de Californie du Sud. Dans une étude intitulée “Pretty Healthy Food: Comment et quand l'esthétique améliore la santé perçue”, parue le 14 septembre dans le Journal of Marketing, les auteurs ont analysé l’influence de l’esthétique sur nos impressions de la nourriture.

Une esthétique classique pour paraître plus sain

Pour rendre la nourriture plus appétissante, les annonceurs bichonnent leur marketing. Cette technique part du principe que l’esthétique est étroitement associée au plaisir et à l'indulgence et utilisée pour pousser les consommateurs à consommer. Cela active nos circuits de récompense dans le cerveau mais, notent les chercheurs, le lien avec le plaisir peut donner l'impression que la jolie nourriture est malsaine, car les gens ont tendance à considérer le plaisir et l'utilité comme s'excluant mutuellement. “Par exemple, de nombreuses personnes ont l'intuition générale que la nourriture est savoureuse ou saine, mais pas les deux”, estime Linda Hagen, auteure principale de l’article.

Pour que les aliments paraissent plus sains, le plus efficace est de se rapprocher d’une esthétique “classique”, caractérisée par les motifs idéaux trouvés dans la nature. Cela signifie avoir recours à un aspect symétrique, courante dans la nature, ou encore l’ordre et les modèles systématiques. Porter ces caractéristiques visuelles naturelles rendrait nos représentations alimentaires plus naturelles. Les aliments, dont la représentation répond à ces critères, apparaissent plus sains car les gens ont tendance à considérer les choses naturelles comme plus saines que les choses non-naturelles comme les aliments transformés.

Plus c’est beau plus les consommateurs sont prêts à payer cher

Dans une série d’expériences, les chercheurs ont testé la perception du caractère sain d’un même aliment en fonction de sa représentation, soit en suivant les principes esthétiques classiques soit sans les suivre. Dans une première expérience, les participants ont évalué des toasts à l’avocat. Tout le monde a lu les mêmes informations sur les ingrédients et le prix mais certains ont vu un joli pain grillé quand d’autres ont eu une image d’un pain grillé pas très esthétique. Malgré des informations identiques sur les aliments, les répondants ont évalué le joli pain grillé à l'avocat comme globalement plus sain, plus nutritif, contenant moins de calories et plus naturel. Les jugements sur la fraîcheur ou la taille, n'ont pas été affectés. D’autres expériences sur le même modèle ont donné des résultats similaires.

Ces différences de représentation ont affecté le comportement des consommateurs. Dans une autre expérience réalisée sur le terrain, ces derniers ont été prêts à payer beaucoup plus pour un joli poivron que pour un moche. Dans une autre étude, notent les chercheurs, même lorsque les gens ont eu des incitations financières pour identifier correctement lequel des deux aliments contenait moins de calories, ils étaient plus susceptibles de déclarer qu'un aliment cible est l'option la moins calorique quand il était joli que quand il était moche, même si cela le choix leur a fait perdre de l’argent.

Afficher un avertissement atténue l’effet esthétique

Les chercheurs notent que l’effet esthétique sur la perception saine de l’aliment est limité à l’esthétique classique. L’esthétique “expressive”, qui n'implique pas de motifs semblables à la nature mais relève plutôt d’idées créatives, telles que des aliments découpés en formes amusantes ou disposés pour représenter une scène, n’a pas conduit à modifier la perception des consommateurs. En outre, afficher un avertissement à côté de la nourriture rappelant aux gens que la nourriture a été modifiée artificiellement atténue le biais entre l’esthétique et le caractère sain du produit.

L'esthétique classique peut être une nouvelle façon subtile et sans coût de transmettre le naturel et la salubrité, des attributs que les consommateurs demandent de plus en plus dans les produits alimentaires, note Linda Hagen. En même temps, une jolie présentation des aliments peut fausser de manière optimiste les estimations nutritionnelles et avoir un impact négatif sur les décisions alimentaires. Avec ces résultats, les décideurs politiques peuvent envisager de considérer les clauses de non-responsabilité de modification comme une intervention ou de renforcer les réglementations concernant la fourniture d'informations nutritionnelles objectives avec des images alimentaires.”