- Menée auprès de 745 travailleurs américains, l'étude montre une corrélation entre le respect des mesures sanitaires et des gestes barrière, et le niveau de revenus.
- Les personnes précaires seraient ainsi moins enclines à respecter les mesures de prévention sanitaire, ce qui pourrait avoir d'importantes répercussions sur la santé publique.
Pour les personnes les plus précaires, les préoccupations quant à leurs finances ou leur travail supplantent leur crainte de la Covid-19. C’est, en substance ce que montre une nouvelle étude menée par la Washington State University (États-Unis) et publiée en ligne dans le Journal of Applied Psychology.
Selon ses auteurs, les travailleurs en situation d’insécurité financière et professionnelle sont moins enclins à respecter les mesures barrière pour empêcher la propagation du virus SARS-CoV-2.
Une prise de risque plus importante face au virus
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont interrogé en avril dernier 745 travailleurs issus de 43 États américains, soit le mois qui a suivi la déclaration officielle de la pandémie par l'Organisation mondiale de la santé le 11 mars, ainsi que les premières mesures sanitaires édictées par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), qui forment la principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique. Parmi les sondés, 62% étaient des hommes, et 68% étaient diplômés, ce qui est plus que la moyenne nationale. Le revenu médian des ménages des répondants se situait entre 50 000 et 59 000 dollars, contre 60 293 dollars au niveau national.
Les résultats mis en lumière par les chercheurs montrent qu’un état d'esprit de rareté peut jouer un rôle dans la capacité des gens à se concentrer sur la réponse à la pandémie. "Nous disposons tous d'un ensemble limité de ressources, qu'il s'agisse d'argent, de temps ou de soutien social, et les personnes qui disposent de moins de ces ressources semblent moins capables d'appliquer les directives recommandées par le CDC, explique Tahira Probst, professeur de psychologie à la WSU et auteur principal de l'étude. La mesure dans laquelle les facteurs de stress économique auront un impact sur ce comportement est en partie fonction de l'endroit où nous vivons. Le fait de disposer d'un filet de sécurité solide pour vous rattraper semble contribuer à atténuer les facteurs de risque d'insécurité de l'emploi qui sont par ailleurs associés à un moindre respect des lignes directrices."
Ainsi, l’étude montre que dans les États où les allocations de chômage sont moins élevées, l'insécurité de l'emploi était associée à une baisse de 7% du respect des comportements de prévention de la Covid-19.
Prendre en considération les disparités socio-économiques pour lutter contre l'épidémie
À l’inverse, les personnes interrogées et qui s’estiment financièrement à l’abri sont plus enclines à respecter les mesures barrière et les mesures sanitaires. Dans le détail, les auteurs de l’étude estiment par exemple que les employés financièrement stables ont adopté 13 % plus de comportements de prévention (rester à la maison, privilégier le télétravail, fermer les commerces non essentiels) que les travailleurs qui se sentent plus précaires.
Pour les chercheurs, ces différences pourraient avoir d'importantes répercussions sur la santé publique puisque les recherches suggèrent que même une réduction modeste des contacts sociaux entre adultes peut réduire les taux d'infection et de décès éventuels.
"Il est important de reconnaître en tant que société qu'il existe certains segments de la population, notamment les personnes économiquement stables, qui sont mieux équipées pour suivre les recommandations des CDC afin de prévenir la propagation de COVID-19, rappelle Tahira Probst. C'est un signal d'alarme car le travail précaire et la pression financière peuvent également coexister avec d'autres facteurs de risque de la Covid-19 et des disparités sanitaires préexistantes."