Le cytomégalovirus (CMV) est la cause la plus fréquente d'infection congénitale. Elle touche entre 0,3 et 0,5 naissances en Europe de l'ouest. Environ 5 à 10% des enfants infectés in utero naissent avec des anomalies. Pourtant en France, l'importance des infections maternelles et congénitales à CMV est peu documentée. C'est pourquoi l'Institut national de veille sanitaire (InVS) a lancé une enquête épidémiologique nationale en 2004. Elle vise non seulement à estimer le nombre et les caractéristiques des infections congénitales, mais aussi à décrire les pratiques des biologistes et des cliniciens pour le diagnostic maternel, foetal et néonatale.
Une question est posée régulièrement. Faut-il dépister systématiquement pendant la grossesse? En 2004, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé (Anaes, aujourd'hui intégrée dans la Haute Autorité de santé), ne l'avait pas recommandé. Les auteurs de l'enquête InVS confirment cette position. « Nos résultats publiés cette semaine permettent d'estimer que la plupart des infections congénitales symptomatiques sont détectées en France pendant la grossesse ou à la naissance ». D'après leurs analyses, on diagnostique en France près de 300 infections congénitales dues au cytomégalovirus (CMV). L'équipe pluridisciplinaire de l'InVS constate qu'une soixantaine d'infections conduisent à une interruption de grossesse. Et parmi les nouveaux-nés, une cinquantaine présentent à la naissance des anomalies : retard psychomoteur, surdité uni ou bilatérale.
Ces résultats consolident la position du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF). En l'état actuel des connaissances, une politique de dépistage systématique du CMV au cours de la grossesse n'est pas justifiée.
« En 2002, un groupe d'experts du CMV avait lancé une campagne d'information suggérant la nécessité de réaliser systématiquement une sérologie de CMV chez toutes les femmes enceintes. La justification de ce dépistage était qu'une sérologie positive permettrait de rassurer près de la moitié d'entre elles, rappelle un représentant du CNGOF. Un tel dépistage systématique n'a pas de bénéfice démontré. En revanche, il aurait de nombreux effets pervers, comme l'anxiété de nombreuses femmes enceintes chez qui la sérologie est négative (environ 50 % des femmes), sans oublier celle des femmes dont les anticorps IgM sont positifs. En favorisant cette anxiété, on multiplie les demandes d'examens complémentaires : répétition des tests biologiques, multiplication des échographies anténatales, réalisation d'amniocentèses comportant un risque de fausses couches… On peut craindre qu'un dépistage systématique conduise inéluctablement à des demandes d'interruptions de grossesse dans des situations de simple doute ». Cependant, si les résultats de l'étude InVS ne valident pas l'idée d'un dépistage systématique, ils montrent que les motifs et les pratiques médicales de détection d'une infection à cytomégalovirus sont variables en fonction des services. Par exemple, lorsque l'infection est confirmée chez la femme enceinte, la recherche d'une transmission au f½tus n'est pas systématique. La recherche est effectuée dans 48% des cas. Elle est surtout pratiquée en cas de dépistage d'anomalies échographiques (67%). Questions à Isabelle Parent du Châtelet, épidémiologiste, co-auteur de l'étude InVS « Il n'y a pas de traitement à proposer » Ces chiffres sont-ils différents des précédentes études ? Isabelle Parent du Châtelet. Il existe peu d'études en France qui estiment le nombre de ces infections congénitales. Une évaluation avait été faite en 2004 par l'Anaes pour évaluer l'intérêt du dépistage de l'infection à cytomégalovirus chez la femme enceinte. Elle n'avait pas conduit les experts à recommander un dépistage systématique. Leurs résultats ne sont pas différents de ce que nous retrouvons dans cette étude aujourd'hui.
La question du dépistage n'est donc pas à nouveau soulevée ? I. P. C. Cette question n'est pas soulevée à nouveau parce que ce ne sont pas seulement les chiffres qui sont pris en compte, mais c'est aussi l'absence de traitement à proposer, et notamment de traitement anténatal si on dépistait une infection à CMV maternelle. De plus, la transmission du virus n'est pas systématique en cas d'infection.
Quels sont les constats en matière de pratique de détection ? I. P. C. L'étude a montré qu'il y avait une certaine hétérogénéité des pratiques actuelles devant la détection d'une infection maternelle. Cette infection est recherchée la plupart du temps quand il y a dépistage d'anomalies échographiques ou quand on sait que l'infection maternelle a eu lieu en tout début de grossesse et donc avec des risques de foetopathies plus importants. Cependant, s'il n'y a pas de recommandations de dépistage, il faut savoir que ce dépistage est parfois pratiqué sans signe d'appel de primo infection. Entretien avec M.G. |