Elle a contribué à faire avancer la science sans même le savoir. Henrietta Lacks, née Loretta Pleasant, est décédée d’un cancer du col de l’utérus à 31 ans. Sans lui demander, des médecins ont prélevé des extraits de la tumeur.
Dans l’hôpital où elle a été admise avant son décès, un médecin spécialiste de la culture des cellules malignes officie. Il chercher à développer des cellules humaines immortelles pour aider les scientifiques dans leurs recherches. Une étiquette est posée sur l’échantillon d’Henrietta Lacks : HeLa, ses initiales. Des années plus tard, un type de cellules a pris ce nom, connu aujourd'hui partout dans le monde.
Des dizaines de milliers d’études dans le monde
L’analyse des cellules cancéreuses de l’afro-américaine a montré qu’elles sont immortelles : elles se renouvellent toutes les 24 heures et de manière infinie. En général, les cellules cultivées en laboratoire par des chercheurs meurent en quelques jours, ce qui rend certaines expériences impossibles. Les cellules d’Henrietta Lacks ont ainsi permis de réaliser des dizaines de milliers d’essais scientifiques à travers le globe. Par exemple, elles ont été utilisées en 1954 par Jonas Salk pour développer le vaccin contre la poliomyélite.
La famille exclue de ces découvertes
Pendant des années, la famille d’Henrietta Lacks a vécu dans l’ignorance : personne ne les a informé que des cellules d’Henrietta avaient été prélevées et étaient aujourd’hui produites en quantité. Or, des scientifiques ont réalisé qu'elles pouvaient contaminer d’autres échantillons. Ils ont donc demandé à faire des prises de sang dans la famille pour cartographier les gènes des cellules HeLa. Les descendants d’Henrietta découvrent alors, sans vraiment comprendre, que les cellules de leur mère ont permis de créer une industrie multi-milliardaire de fabrication et d’exportation de cellules.
La famille est modeste, l’un de ses membres est sans-abri, le choc est rude. Une compensation lui sera donnée des années après la mort d’Henrietta Lacks. Aujourd’hui, un accord a été signé entre la famille et les autorités de santé médicales : les informations génétiques concernant les cellules HeLa ne peuvent pas être rendues publiques sans leur accord.
Une leçon pour la science
Rebecca Skloot a consacré un livre à l’histoire de cette afro-américaine, La Vie immortelle d'Henrietta Lacks. Dans une interview au Smithsonian Magazine, elle explique que cet ouvrage doit permettre d'éviter de nouvelle situation similaire. "Pour les scientifiques, l’une des leçons est qu’il y a des vies humaines derrière chaque échantillon biologique utilisé en laboratoire, explique-t-elle. Les personnes derrière ces échantillons ont souvent leurs propres avis et ressenti concernant ce qui doit être fait avec leurs tissus, mais ils sont rarement pris en considération." Elle rappelle que la culture cellulaire est nécessaire pour trouver des vaccins et des traitements, mais elle doit être faite dans le respect de chacun.