En France, on estime que 6,4 millions de patients suivent actuellement un traitement par statines. Ces médicaments phares prescrits pour lutter contre le cholestérol représentent la principale classe des médicaments hypolipémiants : ils inhibent le fonctionnement de l’HMG Co A réductase, une enzyme qui contrôle la synthèse du cholestérol par les cellules hépatiques. Cette inhibition stimule également l’expression des récepteurs aux LDL, permettant leur entrée dans la cellule cible.
Dans un essai clinique publié dans le New England Journal of Medicine portant sur 60 patients, mené par l'Imperial College London et des cliniciens de l'Imperial College Healthcare NHS Trust (Angleterre), des chercheurs ont démontré que 90% des symptômes ressentis par les patients prenant des statines étaient aussi présents lorsqu'ils étaient sous placebo.
Effet nocebo
Des études antérieures ont montré que, chez certaines personnes, les statines réduisent de 25 à 35% le risque de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral et même de décès par maladie cardiaque. Si la plupart des patients tolère bien les statines, environ un patient sur cinq abandonne son traitement en raison des effets secondaires. Les principaux signalés sur les douleurs musculaires et articulaires, ainsi que la fatigue.
Pour les chercheurs de ces nouveaux travaux, le principal responsable de ces effets secondaires est ce que l’on appelle l’effet nocebo : c’est-à-dire que les patients ressentent des effets secondaires non pas en raison d’un effet pharmacologique réel du médicament, mais parce qu’ils y associent une image négative.
"Notre étude suggère que les effets secondaires signalés des statines ne sont pas causés par la statine elle-même, mais par l'effet de la prise d'un comprimé, explique ainsi le Dr James Howard, qui a dirigé les travaux. Certains des effets secondaires pourraient également être dus aux maux et douleurs typiques du vieillissement." Expliquant que les effets secondaires des statines sont "minimes", il plaide pour une sensibilisation des patients à l’effet nocebo pour les encourager à prendre leur traitement ou à continuer de le faire. "Dans les cas les plus graves, les patients pourraient être orientés vers des thérapies par la parole", suggère-t-il.
90% des effets secondaires ressentis sous placebo
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont recruté 60 patients âgés de 37 à 79 ans qui prenaient des statines et avaient arrêté leur traitement en raison d'effets secondaires, entre juin 2016 et mars 2019. Au cours de l'essai, les patients ont reçu quatre flacons contenant une statine, quatre flacons d'un placebo et quatre flacons vides à prendre sur une période d'un an. Les patients ont pris des comprimés identiques, sans savoir s’il s’agissait de statines ou de placebos pendant huit mois, puis n’ont plus rien pris pendant quatre mois. Les patients ont pris les flacons dans un ordre aléatoire et ont noté le temps de l’expérience de 0 - aucun symptôme - à 100 - les pires symptômes imaginables - les effets secondaires quotidiens qu'ils ont ressentis. Au total, 49 des 60 patients ont terminé les 12 mois complets de l'essai.
L'équipe a constaté que 90% des symptômes ressentis par les patients sous statines étaient présents lorsqu'ils prenaient des comprimés de placebo. Ils ont également constaté que parmi les 60 patients, le score moyen d'intensité des symptômes était de huit pendant les mois sans comprimés, de 15,4 pendant les mois avec placebo et de 16,3 pendant les mois avec statines.
24 des 49 participants qui ont terminé l'essai ont arrêté les comprimés de manière précoce en raison d'effets secondaires intolérables pendant au moins un mois de l'essai, avec 71 arrêts au total. Sur ces 71 arrêts, 31 ont eu lieu pendant les mois de placebo et 40 pendant les mois de statine.
Pour Frances Wood, du National Heart and Lung Institute de l'Imperial et co-autrice, "les statines jouent un rôle essentiel dans la réduction du taux de cholestérol et dans la diminution du risque de maladies graves liées aux vaisseaux", d’où la nécessité d’informer les patients au sujet de l'effet psychosomatique de la prise de pilules. "Notre étude peut aider les médecins à gérer les attentes des patients à l'égard des statines et à expliquer plus clairement aux patients la possibilité que certains effets secondaires qu'ils ressentent puissent être causés par l'effet nocebo et leur apporter un soutien supplémentaire si nécessaire."