Malgré les progrès de la médecine et de la technologie, il reste des maladies inconnues et des morts que l’on ne parvient pas à expliquer, notamment chez les plus jeunes. Ces morts sont appelées "morts subites" par les spécialistes. “Nous constatons environ 2 000 cas de ce type par an, ces données étant méconnues tant du grand public que des médecins”, estime le Pr Vincent Probst, responsable de l'équipe du Centre de prévention de la mort subite du sujet jeune à l'institut du Thorax à Nantes, à Sciences et avenir .
Un partenariat avec les Samu de la région
L’institut est unique en France et les huit personnes qui y travaillent (médecins, infirmières, coordinatrice…) s’évertuent à comprendre les raisons de ces décès soudains. “À l'inverse des pays anglo-saxons, les autopsies médicales sont très rares en France. Parfois, sur les certificats de décès, on peut même lire ‘cause de la mort : rupture d'anévrisme’, ce qui médicalement ne veut strictement rien dire tant qu'une autopsie n'a pas été réalisée ”, poursuit le professeur Vincent Probst. Son équipe a déjà obtenu des premiers résultats. Ils sont parvenus à établir que ces morts subites sont dues à un trouble du rythme cardiaque et non à une anomalie anatomique de cœur. “Une anomalie totalement silencieuse jusqu'au jour où elle s'emballe, créant une accélération majeure dite fibrillation ventriculaire, qui entraîne la mort ”, décrit-il.
La découverte des différentes affections demande un travail de longue haleine et minutieux. Pour aider l’institut, un protocole a été mis en place avec les Samu de la région Grand Ouest et les instituts médico-légaux. “Dès qu'une mort subite est constatée, les équipes de secours sur le terrain - ou celles pratiquant ensuite une autopsie - réalisent une prise de sang, révèle Aurélie Thollet, la cheffe de projet du centre. Des analyses génétiques sont alors effectuées. Et les résultats sont transmis aux infirmières du service, dûment formées au dépistage génétique familial, qui entreprennent alors un travail d'enquête, auprès des proches cette fois.”
De la génétique mais pas uniquement
Le principal objectif des scientifiques de l’institut est de mettre le doigt sur les causes de ces morts subites dans le but de les prévenir, notamment au sein d’une même famille. “Nous avons ainsi été spontanément contactés par une famille qui avait eu à déplorer 11 décès de jeunes adultes en trente ans !”, avance Vincent Probst. Ce sont des centaines de familles qui ont connu un tel décès qui sont suivies.
L’équipe constitue un arbre généalogique qu’elle agrémente de recherche génétique à partir d'un examen sanguin et un bilan cardiologique très complet. “Nous avons aussi mis en place un test dit de stress que nous effectuons pendant la réalisation même de l'électrocardiogrammes (ECG), détaille Annabelle Rajalu, l'une des infirmières, car certains troubles électriques ne se révèlent que dans ces situations.” Si la génétique peut expliquer certaines de ces morts subites, elle n’est pas à l’origine de toutes. “Il faut croiser analyse clinique et génétique mais la corrélation entre les deux n'est pas toujours au rendez-vous”, confirme Vincent Probst. “Mais dans plus de 50 % des cas, mettre en place une étude familiale permet d'identifier une mutation en cause ”, reconnaît Julien Barc, généticien et chercheur Inserm de l'équipe, récemment récompensé par le Prix Descartes-Huygens pour ses travaux sur les origines génétiques de la mort subite.
Un test sanguin pour évaluer le risque
Pour identifier les autres causes des morts subites, des analyses du génome sont réalisées grâce à un séquenceur de dernière génération. Il caractérise les mutations qui sont ensuite manipulées en laboratoire où elles sont introduites, à l'aide des ciseaux génétiques CRISPR-Cas9, dans des cardio-myocytes humains, autrement dit des cœurs humains. “Nous avons aussi démontré qu'il est parfois nécessaire d'accumuler plusieurs mutations génétiques pour développer ces pathologies. Celles-ci sont en lien avec certains gènes (SNS5A, SNS10A, HEY2…) qui régulent les échanges d'ions sodium entre les cellules cardiaques ou participent au développement du cœur”, rapporte Julien Barc. Ce dernier travaille à la confection d’un test sanguin capable d’évaluer le risque grâce à une simple analyse génétique.
Dans leur objectif de prévention, l’équipe estime qu’éviter certains médicaments cardiotoxiques (antiarythmiques, vasodilatateurs, antibiotiques…) diminue le risque de récidive. “Il est possible de prévenir le risque de récidive chez les personnes qui ont pu parfois être réanimées à temps et chez les membres de leur famille en mettant en place une surveillance. Même s'il n'existe pas encore de traitement curatif, surveillance et prévention sont d'ores et déjà proposées aux familles concernées”, poursuit Vincent Probst. Ne plus pratiquer de sports aquatiques et éviter la compétition permet également d’éviter la récidive.