L’alcoolisme est une prison pour ceux qui y sont enfermés. Selon les chiffres avancés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2012, l’alcoolisme était responsable de 3,3 millions de décès dans le monde et près de 25% des décès chez les 20-39 ans sont attribuables à l’alcool. Des chercheurs de l’université de Boston (Etats-Unis) ont réussi à faire “oublier” au cerveau les raisons qui le poussaient à succomber à l’alcoolisme. Les résultats de leur étude ont été publiés dans la revue Hippocampus.
Un sevrage générateur d’anxiété
L'alcool a des effets sur le stress du cerveau et sur le système de la mémoire, qu’il peut notamment embrumer lorsqu’une personne boit trop. Lorsque nous consommons de l’alcool, ce dernier pénètre dans le sang et traverse le cerveau, ce qui le ralentit. A force de boire de l’alcool en excès, différentes régions du cerveau finissent par s’adapter à cet état.
Lorsqu'une personne développe une dépendance, le sevrage entraîne un état affectif négatif, où elle peut ressentir un stress et une anxiété accrus, ce qui la conduit probablement à avoir envie d'alcool et à en rechercher. Ce sevrage a également tendance à augmenter les émotions négatives. Les chercheurs se sont demandés si les effets de l’alcoolisme sur le cerveau pouvaient être modifiés par la manipulation de la mémoire.
“Ce qui m'intéresse vraiment, c'est l'intersection de la recherche sur la mémoire et la dépendance. Les troubles liés à la consommation d'alcool et le stress post-traumatique font souvent l'objet de recherches isolées, mais dans le monde réel, la comorbidité de ces deux troubles est un énorme problème de santé publique. Selon les populations prises en compte, la comorbidité de troubles liés à l’alcool et du stress post-traumatique peut varier de 30 à 60 %”, indique Christine Cincotta, chercheuse à l’université de Boston. Selon elle, les deux seraient liés, et il faudrait traiter les deux problèmes ensemble pour faire disparaitre l’affect négatif couplé à l’alcool.
Pour voir s’ils avaient raison, Cincotta et son équipe ont étudié l’exposition à l’alcool et le sevrage chez les souris afin de comprendre si elles étaient capables d’affecter leurs réactions à des expériences traumatisantes. Pendant plusieurs semaines, les souris ont été soumises à l’alcool, afin de créer chez elles une dépendance. Cette dépendance s’est accompagnée pour elles d’une réaction de peur anormalement élevée, que les chercheurs ont appris à éteindre.
Faire baisser artificiellement l’anxiété et la dépendance
Pour ce faire, les souris ont été placées dans une petite chambre qu'elles n'ont jamais vue auparavant. Les souris sont naturellement curieuses, elles exploreront de nouveaux environnements s'il n'y a pas de menace. Après leur avoir donné quelques minutes pour explorer, les souris reçoivent quatre légers chocs aux pieds à environ une minute d'intervalle. Lorsqu'elles sont effrayées, les souris manifestent un comportement inné de réaction de peur, elles sont “tétanisées”. Les souris ont tendance à rester dans le coin de la boîte, courbées et complètement immobiles.
Ces souris ont ensuite été modifiées génétiquement afin de les aider à surmonter leur peur, grâce à l’ontogénétique. Cette technique permet de rendre les neurones sensibles à la lumière afin de contrôler les cellules du cerveau. Les cellules des souris ont été activités à plusieurs reprises pour atténuer artificielles les réactions de peur. L'entraînement à l'extinction consistait à replacer continuellement la souris dans cette même boîte. Au fur et à mesure, la souris a été de moins en moins tétanisée à mesure qu'elle a actualisé sa mémoire et réapprendra que la chambre n'est plus un endroit menaçant. Grâce à cette technique, il a été possible d’atténuer les comportements de dépendance chez la souris.
“La technologie optogénétique telle qu'elle existe aujourd'hui est trop invasive pour être utilisée chez l’être humain, mais d'autres groupes travaillent au développement d'outils optogénétiques non invasifs, indique Christine Cincotta. Néanmoins, les découvertes faites continuent d’élargir les connaissances de la société sur les circuits neuronaux et, par conséquent, d’informer les traitements futurs et à changer la façon dont nous traitons les patients souffrant de troubles tels que le syndrome de stress post traumatique et les troubles liés à la consommation d’alcool.”