La pénibilité professionnelle sera prise en compte au moment de partir en retraite. Le gouvernement qui poursuit aujourd’hui ses consultations des partenaires sociaux, l’assure, c’est l’une de ses priorités, le marqueur d’une réforme des retraites « de gauche ». Les salariés exposés à des facteurs de pénibilité (travail de nuit, horaires postés, agents chimiques dangereux...) devraient donc accumuler des points dans un « compte-épargne pénibilité ». En fin de carrière, ces points leur ouvriront droit à différentes portes de sortie : une formation pour changer de métier, un temps partiel rémunéré à temps plein ou un rachat de trimestres pour partir plus tôt en retraite. Le principe est acté mais les conditions de compensation et leur financement sont encore en discussion entre les partenaires sociaux et le gouvernement. La CFDT réclame par exemple une année de réparation pour 10 ans d'exposition à l'un des 10 facteurs de pénibilité reconnus par le Code du travail.
1 aide-soignante sur 3 obligée de partir à 55 ans
« Si le gouvernement va au-delà des discours, c’est enfin une bonne nouvelle pour les professionnels de santé », se félicite Thierry Amouroux, secrétaire général du syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) CFE-CGC. La profession d’infirmier comme celle d’aide-soignant cumule en effet plusieurs des 10 facteurs de pénibilité au travail : le port manuel de charges avec la manutention de patients, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes et l’exposition à des agents chimiques dangereux lorsqu’il s’agit par exemple d’administrer des chimiothérapies. « Dans la fonction publique hospitalière, les caisses de retraite attestent qu’une aide-soignante sur trois et une infirmière sur cinq sont obligées de partir à 55 ans avec une retraite incomplète et un taux d’invalidité reconnu, c’est une vraie injustice sociale », affirme Sylvie Brunol, infirmière et membre de la direction de la Fédération Santé-Action sociale de la CGT.
Nocivité établie pour le travail nocturne
Les études scientifiques sont sans appel : travailler régulièrement de nuit n’est pas bon pour la santé. Et ce pour deux raisons : le déficit chronique de sommeil maximise le risque d’accident et la grande majorité de nos fonctions physiologiques (la température du corps, la sécrétion des hormones ou encore la relaxation des muscles) suivent un rythme circadien de 24h éminemment sensible à la lumière, ce qu’on appelle notre horloge biologique. Travailler de nuit a donc des conséquences immédiates sur la baisse de la vigilance et les troubles du sommeil mais aussi des effets à plus long terme liés à une désynchronisation de l’horloge biologique. Le risque cardiovasculaire est par exemple accru de 40% pour les travailleurs nocturnes. En juin 2012, l’étude française CECILE menée par des chercheurs de l’Inserm a ainsi montré que le risque de cancer du sein était augmenté d’environ 30% chez les femmes ayant travaillé de nuit par rapport aux autres femmes et l’augmentation était encore plus marquée lorsque le travail nocturne avait duré plus de 4 ans. Parmi les hypothèses avancées pour expliquer ce risque, l’exposition à la lumière durant la nuit supprimerait le pic de sécrétion nocturne de la mélatonine, une hormone précieuse pour ses effets anti-cancérigènes. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a d’ailleurs classé dès 2007 le travail de nuit comme un facteur « probablement cancérogène pour l’Homme », au même titre que les rayons UV par exemple.
7 ans d'espérance de vie en moins pour les infirmières
« Nous savons très bien que le facteur de pénibilité travail de nuit n’est pas évitable dans le secteur de la santé. La question ne peut pas être réglée par la prévention, personne n’envisage de laisser les malades seuls la nuit. Il faut donc compenser par des départs anticipés à 55 ans », réclame Sylvie Brunol pour la CGT. « Ce ne serait que justice quand on sait qu’à l’âge de la retraite, une infirmière a en moyenne 7 ans d’espérance de vie en moins par rapport à la moyenne des femmes françaises », confirme Thierry Amouroux pour le syndicat national des professionnels infirmiers. Certaines professions non soignantes des hôpitaux pourraient aussi être concernées : les techniciens de laboratoires biologiques et les personnels administratifs des urgences travaillent eux-aussi au rythme 24h/24.
Au total, un retraité sur 4 pourrait avoir recours à ce mécanisme compensatoire. Ce qui représenterait un coût de 2 milliards d’euros par an. Pour le financer, le gouvernement envisage de faire payer les entreprises, notamment celles qui font travailler leurs salariés dans des conditions pénibles, via des sur-cotisations patronales.