- Pendant le premier confinement, ce sont 220 greffons rénaux qui ont été perdus.
- Les services de réanimation sont saturés et c’est impossible de préférer allouer un lit à un donneur en état de mort cérébral par rapport à un malade Covid qui a des chances de survie.
- La dialyse fragilise la santé des patients et rend les greffes futures plus incertaines.
“Je suis dans une position d’attente”, résume Claude Allary, 65 ans, en attente d’une greffe de rein depuis juillet 2019. Comme lui, ce sont 16 000 Français qui sont suspendus au coup de téléphone qui pourrait leur changer la vie. En attendant, Claude poursuit sa dialyse. Des sessions de quatre heures, trois fois par semaine pour épurer son sang, un travail que son rein ne fait plus.
Pas un stock que l’on peut reconstruire comme ça
Contrairement aux autres organes, le travail du rein peut être réalisé par une machine. Une réalité qui a poussé les autorités de santé à suspendre ces greffes pendant la première vague face à l’incertitude entourant la Covid-19. Le 22 septembre, l'Agence de la biomédecine a émis des recommandations dans lesquelles elle indique la nécessité de maintenir les greffes malgré l’épidémie. Olivier Véran, le ministre de la santé, a lui aussi assuré qu’il faut maintenir les greffes, au même titre que les soins liés aux cancers.
Cette décision d’interrompre les greffes de rein, bien que justifiée par le flou qui a entouré la nouveau coronavirus SARS-CoV-2 à ce moment-là, a été lourde de conséquences pour les patients. Pendant le premier confinement, ce sont 220 greffons rénaux qui ont été perdus. “À la différence d’une pénurie de masques, si un rein vous était destiné pendant la première vague, on ne peut pas dire que ça n’est pas grave et que l’on vous rappelera dans deux moins. Cette personne sera rappelée quand un autre donneur biologiquement proche se présentera. Ça n’est pas un stock qui peut se reconstruire comme ça. Un receveur ne perd pas seulement deux mois, il perd potentiellement beaucoup plus”, alerte Alexandre Hertig, médecin transplanteur à l’hôpital de la Pitié Salpetrière (Paris).
La dialyse limite la durée de vie du greffon
Si la volonté pour cette deuxième vague est d’éviter de revivre cette situation, celle-ci complique la donne. “L’activité n’a pas reprise comme avant pour la simple raison que les services de réanimation sont saturés et c’est impossible de préférer allouer un lit à un donneur en état de mort cérébral par rapport à un malade Covid qui a des chances de survie”, justifie Alexandre Hertig. Pour éviter d’avoir à faire des choix, l’Agence de biomédecine a réclamé aux hôpitaux où c’est possible de mettre en place des zones Covid négatives et aux établissements de se coordonner pour transférer les patients si nécessaires. “On s’attendait à ce que dès le 23 septembre les équipes s’organisent pour mettre en place les accords inter hospitaliers, poursuit Magali Leo, porte-parole de Renaloo, association de patients souffrant d’insuffisance rénale. Mais aujourd’hui il n’y a pas de trace de ces organisations et on ne sait pas ce qu’il va arriver pour les patients.”
Bien que ces patients ne soient pas en attente vitale de ces greffes grâce à la dialyse, cette situation fragilise leur santé et rend les greffes futures plus incertaines. “L’état de santé général d’un patient en attente de greffe peut s’aggraver et plus il reste longtemps en situation de dialyse, plus la durée de vie du greffon est limitée”, appuie Magali Leo. Au-delà de la greffe, c’est le quotidien des dialysés qui en pâtit. “Je suis très limité dans mes déplacements et mes projets personnels, témoigne Claude Allary. Hors période pandémique, c’est quasiment impossible de voyager. En ce moment, j’ai des projets immobiliers et tout est mis en attente.”
La légère accalmie épidémique qui se dessine et le nombre d’hospitalisations quotidien qui baisse laisse envisager une amélioration de la situation pour les patients en attente de greffe. “La collaboration se met doucement en place, assure Alexandre Hertig. Les discussions entre les hôpitaux ont débuté.” Si une troisième vague venait à arriver, le néphrologue se veut rassurant et estime que nos hôpitaux ont la capacité de prendre tout le monde en charge. “À Paris, par exemple, l’hôpital Necker, spécialisé dans la pédiatrie, a déjà proposé de libérer des lits pour réaliser des greffes.”