- Il est possible de modifier les lymphocytes B pour qu'ils deviennent des anticorps largement neutralisants (ou bNAbs).
- Les bNAbs sont capables de combattre plusieurs souches du VIH en même temps, ce qui le rend très efficace face à ce virus aux mutations rapides.
- Le système est un succès chez le souris. S'il fonctionne aussi bien chez l'être humain, cela pourrait ouvrir la voie à un vaccin.
Si la lutte contre la Covid-19 avance vite, celle contre le VIH n’évolue que très peu. Pourtant le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est toujours mortel, existe depuis longtemps et ne possède toujours pas de vaccin. Pour ce dernier point, cela pourrait peut-être changer. Les scientifiques du Scripps Research (Etats-Unis) ont fait un grand pas en avant dans la recherche sur ce sujet grâce à des cellules immunitaires génétiquement modifiées qui pourraient prévenir toute infection par le VIH. Les résultats de l’étude ont été publiés le 17 novembre 2020 dans la revue Nature communications.
Des anticorps capables d’affronter plusieurs mutations du VIH en même temps
Jusqu’à présent, la difficulté rencontrée avec le VIH résidait dans la prévention face l’infection. A cause de son évolution rapide dans l’organisme, il est quasiment impossible que des anticorps classiques puissent stopper la propagation du virus. Pour ce faire, il faudrait que l’organisme arrive à produire des anticorps capables de vaincre plusieurs souches du virus à la fois.
C’est justement sur cette approche que se sont basés les scientifiques du Scripps Research. En tentant leur expérience sur des souris, ils ont réussi à produire des anticorps largement neutralisants aussi appelés bNAbs (pour broadly neutralizing HIV-1 antibodies). Les anticorps bNAbs ont la particularité de pouvoir s’attaquer à plusieurs souches du VIH en même temps. Le problème, c’est que de tels anticorps restent durs à produire, seuls quelques rares patients atteints par le VIH en ont.
Modifier les lymphocytes pour les rendre plus fort
Pour réussir à en développer à grande échelle, les équipes du Scripps Research ont compris qu’il était possible d’utiliser les ciseaux génétiques CRISPR-Cas9 afin de reprogrammer les gènes des lymphocytes B pour qu’ils produisent à leur tour naturellement des anticorps bNAbs. Une fois la modification faite, les lymphocytes B réinjectés chez les souris ont pu se multiplier, mûrir et devenir des lymphocytes B mémoire et des plasmocytes, capables de protéger l’organisme pendant longtemps. Ainsi, ces gènes modifiés peuvent produire des anticorps plus efficaces contre le VIH.
“C'est la première fois qu'il a été démontré que des lymphocytes B modifiées peuvent créer une réponse anticorps durable dans un modèle animal pertinent, explique James Voss, chercheur au département d’immunologie et de microbiologie au Scripps Research. Chez l’être humain, les cellules de départ pour créer le vaccin pourraient être obtenues facilement à partir d'une simple prise de sang, puis mises au point en laboratoire avant d'être réintroduites chez le patient.”
James Voss et son équipe essayent maintenant d’améliorer la technologie afin qu’elle devienne accessible au plus grand nombre. Selon les estimations du programme des Nations Unies sur le VIH/Sida (ONUSIDA), 38 millions de personnes seraient atteintes par le VIH dans le monde en 2019 et plus de 12 millions d’entre eux n’ont pas accès à un traitement.