La musique suscite une foule d’émotions. Bien que nous nous attachions plus à la mélodie qu’aux paroles, un constat aussi bien appliqué chez les adultes que chez les nouveaux-nés, nous aimons la musique pour les émotions qu’elle nous procure, jusqu’à en frissonner parfois. Des chercheurs de l’université Flinders (Australie) ont découvert que nous faisons appel aux stéréotypes et aux expériences que nous avons déjà eus pour réagir émotionnellement à la musique. Les conclusions de leur étude ont été publiées le 18 novembre 2020 dans la revue Plos One.
Nous sommes conditionnés par la musique
Les émotions provoquées par la musique ne viennent pas uniquement du son ou des paroles, mais également des préjugés que nous avons sur un style musical. Pour s’en rendre compte, les chercheurs ont utilisé des extraits de paroles originales, qu’ils ont étiquetés différemment du genre initial auquel ils appartiennent. Ces étiquettes de genre ont été utiles pour influer sur les réactions émotionnelles que la musique suscite chez les participants. L’idée derrière cette manoeuvre serait de prouver que le ressenti que nous éprouvons pour une musique dépend de l’étiquette à laquelle elle est accolée, et non de son contenu.
Pour cette expérience, 276 participants Cubains et Australiens ont été appelés à nommer l’émotion qui décrit le mieux les extraits de paroles écrites provenant de huit styles musicaux différents. Afin de semer le doute, certaines paroles ont été présentées avec une étiquette de genre, d’autres non.
Les chercheurs se sont aperçus que pour les mêmes paroles, les réactions émotionnelles pouvaient changer en fonction de l’étiquette avec laquelle elles étaient présentées. Cela souligne, selon les chercheurs, que des indices extra-musicaux — des stéréotypes — sont à l’origine de ces choix. Les connaissances préalables suscitées par les paroles et les étiquettes de genres musicaux sont capables d’affecter la réponse émotionnelle que la musique peut communiquer, indépendamment de l’émotion apportée par les caractéristiques psychoacoustiques.
Les stéréotypes avant l’émotion
“Grâce à cette recherche, nous pouvons maintenant prédire que quelqu'un va avoir des réponses émotionnelles à la musique non seulement à cause des caractéristiques musicales, mais aussi à cause du stéréotype culturel qu'il peut avoir sur la musique”, explique Emery Schubert, professeur de musique et de psychologie.
Par exemple, sans qu'il soit nécessaire de jouer de la musique, des paroles étiquetées “heavy métal” ont produit une réponse émotionnelle complètement différente de celle produite lorsque ces mêmes paroles étaient décrites aux auditeurs comme “Gagaku japonais”.
“La musique japonaise utilisée dans l'étude était associée à des émotions beaucoup plus douces, même si le message n'était pas doux, souligne Emery Schubert. Dans une étude précédente, on avait noté les mêmes stéréotypes concernant la musique hip-hop ou la musique heavy métal, ces genres étant associés à la colère, la peur et le dégoût. Ils étaient perçus comme ayant des valeurs négatives par rapport aux mêmes paroles lorsqu'ils étaient étiquetés comme ‘musique pop’. Certaines personnes semblent avoir déjà réglé leurs réactions émotionnelles sans même entendre la musique, en s'appuyant sur des préjugés ou des stéréotypes autour de certains genres de musique.”