Tout a commencé il y a un an, quand Yuka, foodwatch et la Ligue contre le cancer ont lancé une pétition commune pour exiger l’interdiction des additifs à base de nitrites et de nitrates dans l’alimentation, principalement dans la charcuterie. Un an et plus de 210 000 signatures plus tard, les sels nitrités font désormais l’objet d’une mission d’information parlementaire à l'Assemblée Nationale. "En réaction, la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT), qui représente environ 300 entreprises, a décidé de s’engager dans une tentative d’intimidation plutôt que d’améliorer ses pratiques pour protéger la santé des consommateurs", dénoncent conjointement Yuka, foodwatch et la Ligue contre le cancer.
Concrètement, un courrier des avocats de la FICT a exigé de Yuka la suppression de la pétition contre les nitrites et la modification du système de notation sur les produits comportant les additifs E249, E250, E251 et E252. Pour Benoit Martin, co-fondateur de Yuka : "il s’agit d’une tentative inacceptable de bâillonner l’information. Notre mission est d’aider chacun à faire le meilleur choix pour sa santé. Il n’est pas question de céder face à des menaces non fondées".
Des pressions d’industriels étrangers
"Certains industriels nitriteurs de la FICT préfèrent tenter de nous intimider et museler le débat public pour une alimentation saine, plutôt que de reconnaître leur responsabilité dans les cancers évitables liés à l’utilisation de ces additifs. Pourtant, un nombre croissant de fabricants commercialise des produits sans nitrites ajoutés, donc ils sont bien au courant du problème", souligne de son côté Karine Jacquemart, directrice générale de foodwatch France.
Pour Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer, l’enjeu est économique. "Les industriels s’en prennent à Yuka car c’est l’application qui leur fait le plus de tort, en notant mal les charcuteries nitritées, ce avec quoi nous sommes totalement d’accord. Je pense qu’ils ont du avoir des pressions d’industriels étrangers, notamment des lobbys d’une extrême puissance que sont les fabricants de bacon", analyse le cancérologue. Il poursuit : "ce sont dans l’ensemble des petites firmes, pour qui changer de formule de fabrication de leurs produits pose des problèmes financiers. Les nitrites multiplient notamment par cinq la vitesse de la maturation".
4 000 nouveaux cas de cancer attribuables à la consommation de viande transformée
Pour Axel Kahn, de nombreuses études scientifiques ont démontré les risques pour la santé des additifs à base de nitrites et de nitrates dans la charcuterie, dont la consommation ne doit pas dépasser 150 grammes par semaine. "Les charcuteries sont classées cancérogènes avérées par l’OMS et chaque année, en France, jusqu‘à 4 000 nouveaux cas de cancer de l’estomac ou du colon sont attribuables à la consommation de viande transformée. 80% des charcuteries sont traitées aux nitrates ou nitrites; les charcuteries traitées apparaissent plus cancérigènes que les non-traitées à ces sels, chez les rats et les hommes. Elles provoquent des lésions de l’ADN. Cela ne fait aucun doute, il est urgent de sortir du traitement des charcuteries pas les nitrates et nitrites."
Le président de la Ligue contre le cancer conclut : "si on veut sauver la charcuterie française, il faut la rendre moins cancérigène en sortant des nitrites. C’est tout à fait possible, car elles ne servent à rien pendant la salaison, et d’autres moyens existent pour limiter la germination des spores botuliques".