Pour venir à bout des bactéries multi-résistantes, il faut savoir comment elles parviennent à lutter contre les antibiotiques. Dans Nature Communications, des chercheurs de l’institut japonais Riken expliquent comment ils ont réussi à analyser l’évolution d’une bactérie face aux antibiotiques. Les scientifiques ont mis au point un système de culture bactérienne robotisé. Ce mécanisme leur a permis d’analyser l’évolution de la bactérie E. Coli sur plus de 250 générations, avec une exposition à 95 antibiotiques différents.
Des profils de résistance
Les chercheurs ont notamment étudié les variation de l’ARN messager des bactéries : cela leur a permis de comprendre quels gènes étaient exprimés. Pour 192 souches de la bactérie, ils ont pu mettre au point un profil de résistance. "Nous avons constaté que les dynamiques d’évolution d’E. Coli sont liées au petit nombre d’états intracellulaires, cela signifie qu’elle dispose d’un nombre limité de stratégies pour résister aux antibiotiques", explique Tomoya Maeda, l’un des auteurs de cette recherche. Grâce à leurs travaux, ils ont réussi à définir 157 combinaisons d’antibiotiques efficaces pour empêcher la résistance des bactéries. "Nous pensons que nos résultats peuvent être utilisés pour développer des stratégies alternatives pour bloquer les bactéries multi-résistantes." C'est la première fois qu'une recherche scientifique identifie les mécanismes de résistance d'une bactérie face à un grand nombre d'antibiotiques.
Quels sont les risques de l’antibiorésistance ?
L’antibiorésistance est une menace pour la santé mondiale : c’est ainsi qu’elle a été classée par l’Organisation mondiale de la santé. Si les bactéries deviennent résistantes à un antibiotique et qu’il n’y a pas d’autre recours, le risque est l’impasse thérapeutique, soit l’absence de traitement efficace. Des infections faciles à soigner aujourd’hui pourraient devenir compliquées à traiter, voire entraîner des décès aujourd’hui évitables.
En France, entre 2009 et 2018, la consommation d’antibiotiques a été réduite de 15%. Mais elle reste encore trop élevée : ses niveaux sont supérieurs de 30% à la moyenne européenne. D’après une étude du centre européen de prévention et de contrôle des maladies, 5 543 personnes décèdent chaque année en France à cause d’une infection par une bactérie multi-résistante, et 124 806 patients sont infectés par ce type de bactéries. Si les stratégies de lutte contre l’antibiorésistance sont inefficaces, elle pourrait être la première cause de décès dans le monde en 2050.