En temps normal, c’est l’une des maladies qui nous occupe tout l’hiver, mais la Covid-19 en a décidé autrement. Mais il ne faudrait pas l'oublier trop vite. La grippe saisonnière qui frappe habituellement en hiver, est également responsable d’autres infections, car elle entraîne, sans que l’on ne sache pourquoi, un risque de pneumonie bactérienne. Des chercheurs de l'Institut Karolinska (Suède) ont découvert pourquoi les surinfections, en particulier celles liées à la grippe, font de nombreuses victimes dans le monde entier chaque année. L'étude publiée dans la revue PNAS le 28 octobre 2020, pourrait également contribuer à la recherche sur Covid-19.
Pour comprendre le potentiel mortel de la grippe, remontons dans le temps. La grippe espagnole est une pandémie de grippe qui a balayé le monde entre 1918 et 1919 et qui, contrairement à de nombreuses autres pandémies, a frappé de manière disproportionnée des jeunes adultes en bonne santé. Parmi les nombreuses raisons derrière cette hécatombe (entre 20 et 50 millions de morts), l’une d’entre elles concerne les surinfections causées par des bactéries, en particulier les pneumocoques.
Des nutriments en moins, des infections en plus
La grippe est causée par un virus, mais ce dernier n’est pas directement responsable de la mort. La cause la plus fréquente de décès provient une pneumonie bactérienne plutôt que du virus de la grippe en lui-même. Les infections à pneumocoques sont la cause la plus fréquente de pneumonie et l'une des principales causes de décès dans le monde.
Une infection antérieure par le virus de la grippe sensibilise aux infections à pneumocoques, mais les mécanismes qui le sous-tendent n'étaient pas entièrement compris. C’est cette mécanique que les chercheurs ont identifié, notamment les changements induits par la grippe dans les voies respiratoires inférieures qui affectent la croissance des pneumocoques dans les poumons.
En réalisant des tests sur des animaux, les chercheurs ont découvert que différents nutriments et antioxydants, tels que la vitamine C et d'autres substances normalement protectrices des cellules, s'échappent du sang, créant ainsi un environnement dans les poumons qui favorise la croissance de la bactérie. Les bactéries s'adaptent à l'environnement inflammatoire en augmentant la production de l'enzyme bactérienne HtrA.
Lorsqu’elle est présente, cette enzyme affaiblit le système immunitaire et favorise la croissance bactérienne dans les voies respiratoires infectées par la grippe. L'absence d'HtrA stoppe la croissance bactérienne.
“La capacité du pneumocoque à se développer dans les voies respiratoires inférieures lors d'une infection grippale semble dépendre de l'environnement riche en nutriments avec ses niveaux plus élevés d'antioxydants qui se produit lors d'une infection virale, ainsi que de la capacité de la bactérie à s'adapter à l'environnement et à se protéger contre l'éradication par le système immunitaire”, précise Birgitta Henriques Normark, professeure au département de microbiologie, de biologie tumorale et cellulaire de l’Institut Karolinska.
Un mécanisme de surinfection sûrement semblable pour la Covid-19
Ces résultats fournissent des informations précieuses sur la manière dont les bactéries s'intègrent à leur environnement dans les poumons. Elles pourraient être utilisés pour trouver de nouvelles thérapies pour les doubles infections entre le virus de la grippe et les bactéries pneumococciques.
"L'HtrA est une enzyme qui contribue à affaiblir le système immunitaire et permet aux bactéries pneumococciques de pénétrer la couche cellulaire protectrice à l'intérieur des voies respiratoires, explique la première autrice de l'article, Vicky Sender, chercheuse dans le même département que sa collègue. Une stratégie possible peut donc être l'utilisation d'inhibiteurs de protéase pour empêcher la croissance des pneumocoques dans les poumons.”
Si ce mécanisme fonctionne pour la grippe, il est pour l’instant impossible de savoir si les personnes atteintes par la Covid-19 sont également sensibles au mécanisme de la surinfection bactérienne. Toutefois, les chercheurs pensent que des mécanismes similaires pourraient potentiellement être trouvés chez les patients graves de la Covid-19.
“Il est probable qu'une inflammation pulmonaire aiguë, quelle qu'en soit la cause, entraîne une fuite de nutriments et d'antioxydants, et un environnement qui favorise la croissance bactérienne”, souligne Birgitta Henriques Normark.