Le sommeil est un processus complexe. Et cette phase essentielle pour l'organisme est trop souvent malmenée à cause de nos rythmes de vie. C’est pourtant durant le sommeil que notre corps se régénère, que nos souvenirs se fixent, que notre organisme se met à jour pour mieux affronter une nouvelle journée. Des chercheurs de l’université de Tsukuba (Japon) ont découvert que notre sommeil était également tributaire des bactéries et des micro-organismes présents dans notre tube digestif, car ce sont elles qui régulent la sérotonine, indispensable pour garder un bon cycle circadien. Les résultats de leurs recherches ont été publiés le 11 novembre 2020 dans la revue Scientific Reports.
L’intérêt des micro-organismes de notre microbiote
Pour bien comprendre la situation, les chercheurs ont donné des antibiotiques à des souris pendant quatre semaines. Si les antibiotiques sont connus pour aider notre corps à se défendre, ils peuvent également éliminer certaines bactéries présente dans notre tube digestif, ce qui affaiblit le microbiote.
Les chercheurs ont comparé le contenu intestinal de ces souris débarrassées de ces micro-organismes avec celui de souris témoins ayant le même régime alimentaire. Lors de la digestion, les aliments se décomposent et deviennent des métabolites, soit des petites molécules. “Nous avons trouvé plus de 200 différences de métabolites entre les groupes de souris. Environ 60 métabolites normaux étaient manquants chez les souris dépourvues de microbiote, et les autres différaient en quantité, certains en plus et d'autres en moins que chez les souris témoins”, indique Masashi Yanagisawa, professeur à l’université de Tsukuba.
Une fois ce constat posé, les chercheurs ont tenté de comprendre l’utilité de ces métabolites. En analysant l'enrichissement de l'ensemble des métabolites, ils ont découvert que les voies biologiques les plus touchées par le traitement antibiotique étaient celles qui participent à la fabrication des neurotransmetteurs. Ainsi, la voie tryptophane-sérotonine était quasiment bloquée chez les souris dépourvues de microbiote. Cela montre que sans les micro-organismes intestinaux adéquats, les souris ne pouvaient pas produire de sérotonine à partir du tryptophane qu'elles mangeaient. De même, ces souris avaient un déficit dans les métabolites de la vitamine B6, qui accélèrent la production de sérotonine et dopamine.
La sérotonine, un régulateur du sommeil
Enfin, les souris ont été soumises à un électroencéphalogramme, afin de voir leur activité cérébrale pendant leur sommeil. Par rapport au souris témoins, le sommeil paradoxal des rongeurs sans microbiote était plus perturbé. Le nombre d'épisodes de sommeil paradoxal était plus élevé le jour et la nuit, tandis que le nombre d'épisodes de sommeil non paradoxal était plus élevé le jour. En d'autres termes, les souris dépourvues de microbiote alternaient plus fréquemment que les autres des phases sommeil/éveil.
“Nous avons découvert que l'épuisement des microbes éliminait la sérotonine dans l'intestin, et nous savons que les niveaux de sérotonine dans le cerveau peuvent affecter les cycles sommeil/éveil, souligne Masashi Yanagisawa. Ainsi, changer les microbes présents dans l'intestin en modifiant le régime alimentaire peut aider ceux qui ont des troubles du sommeil.”