- Ce nouveau produit est capable de neutraliser une toxine présente dans 75% des venins de serpents.
- Contrairement aux antivenins actuels, qui peuvent coûter jusqu’à 2 000$ la dose et mettre plusieurs mois a être fabriqué, ce nouveau venin serait peu coûteux et synthétisable en une journée.
- Selon l’OMS, 400 000 personnes se feraient mordre par un serpent chaque année et 140 000 succomberaient de leur venin.
Les serpents fascinent, leurs morsures effraient... et peuvent tuer. Des chercheurs de l’université de Copenhague (Pays-Bas) ont déposé un brevet basé sur un peptide capable de neutraliser une toxine présente dans 75% des venins de serpents. Cette découverte pourrait permettre de sauver des milliers de vies chaque année. Les résultats de leur expérience ont été publiés dans le Journal of Medicinal Chemistry.
Un produit dur à fabriquer et à trouver
Dans les pays à faible revenu, les morsures de serpent sont une réalité quotidienne pour des millions de personnes. Ces morsures, potentiellement mortelles, se produisent souvent dans des zones où l’accès aux soins est compliqué. Entre un hôpital à des centaines de kilomètres, les routes impraticables, le fait que beaucoup de personnes ne possèdent pas de véhicules et que l’antivenin coûte l’équivalent de plusieurs mois de salaire, le chemin est long vers les soins nécessaires pour une partie de la population de la planète. C'est pour cette raison que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé les antivenins pour les morsures de serpents venimeux comme étant officiellement en pénurie, alors que 400 000 personnes sont mordues chaque année, entrainant environ 100 000 décès.
“Nous avons travaillé sur un autre type d'antivenin qui est beaucoup moins cher que l'antivenin traditionnel, à base d'anticorps. S'il devient un futur produit, il tiendra dans votre poche et pourra être utilisé par n'importe qui, n'importe où, indique Brian Lohse, professeur de pharmacologie des médicaments à l’université de Copenhague et chef du projet. L’idée est qu'il peut être injecté à l'aide d'une unité d'injection automatique, exactement comme celles utilisées par les diabétiques, c'est-à-dire directement dans le muscle ou le pli de la peau à l'endroit de la piqûre.”
Actuellement, l’unique traitement disponible contre les morsures de serpent est un antivenin à base d'anticorps, qui permet de sauver de nombreuses vies chaque année. Cependant, les anticorps sont encore produits chez des animaux vivants, comme les chevaux, et ce processus peut prendre jusqu'à 18 mois. Le problème, c’est qu’il faut plusieurs centaines de serpents venimeux et de chevaux pour produire suffisamment d'anticorps afin de répondre à la demande dans une région, ce qui rend le processus lent et coûteux. De plus, il faut prendre en compte le fait que le produit doit être administré par un professionnel de santé, qui n’est pas toujours disponible à proximité lorsqu’une personne est infectée par le venin. Enfin, les antivenins actuels n’ont pas d’efficacité inter-espèces, ce qui signifie, par exemple, que le produit capable de combattre le venin du Cobra indien ne le sera pas face au Cobra africain.
Jusqu’à 2000 dollars la dose d’antivenin
“Beaucoup de gens meurent avant d'atteindre un lieu de traitement, car le venin de serpent est libre de se répandre dans le corps pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Ajoutez à cela les nombreux effets secondaires potentiels du traitement et le fait que des produits de haute qualité, pratiquement sans effets secondaires, peuvent coûter jusqu'à 2 000$ par dose, constate Brian Lohse. Cela crée un marché destructeur de contrefaçons de mauvaise qualité, vendues comme des médicaments antivenins bon marché. Ces produits de mauvaise qualité peuvent provoquer un choc allergique qui peut tuer le patient.”
C’est pour lutter contre cette injustice que Brian Lohse a créé ce nouveau traitement, baptisé Serpentides, synthétisable en une journée et qui peut être produit dans un laboratoire standard. “Nous testons actuellement la stabilité des substances actives de notre antivenin, et les tests donnent de bons résultats. La stabilité est importante si nous voulons que les gens puissent transporter le produit dans leur poche, mais aussi si nous voulons éviter le besoin de refroidissement.”
Avec une telle technique, ce nouvel antivenin pourrait être utilisé immédiatement et par n’importe qui, sans avoir à posséder de qualification. Cela permettrait ainsi qu’il soit utilisé directement après la morsure. De plus, avec sa fabrication rapide, le coût du produit sera réduit, ce qui le rendra beaucoup plus accessible. Pour autant, cet antivenin n’est pas une solution en soi, puisqu’il ne fait que ralentir la propagation du poison.
“Plus vite vous êtes en mesure de neutraliser ce poison meilleures sont les chances de survie du patient et de minimiser les séquelles. Néanmoins, une morsure de serpent est une affaire sérieuse, et le patient doit toujours se rendre à l'hôpital le plus proche, même après avoir utilisé notre futur antivenin Serpentides, dont l'objectif principal est de limiter la propagation du venin dans les muscles jusqu'aux veines”, conclut Brian Lohse.