Il y a parfois des évidences qu’il faut rappeler. Par exemple, le fait que le gel hydroalcoolique s’applique sur les mains pour les laver, et qu’il ne doit pas être ingéré. Ce puissant désinfectant, utilisé massivement par la population avec la pandémie de Covid-19, fait de nombreuses victimes outre-Manche. Des médecins légistes de l’université d’Orford (Royaume-Uni) expliquent — si tant est que cela soit évident — que l’ingestion de gel hydroalcoolique conduit à une intoxication qui peut mener à la mort. Les résultats de leur étude sont parus le 1er décembre 2020 dans la revue BMJ Evidence-Based Medicine.
Une augmentation des intoxications de 61% entre 2019 et 2020
Le gel hydroalcoolique est un désinfectant pour les mains à base d’alcool, disponible sous forme de liquide, de gel ou de mousse. Selon sa composition, il peut être constitué entre 60% et 95% d’alcool éthylique (éthanol) ou 70% à 95% d’alcool isopropylique (isopropanol).
D’instinct, les personnes qui sont les plus à même d’ingérer accidentellement ces produits sont les enfants, qui ne savent pas déchiffrer les étiquettes. Pourtant, selon les médecins, les personnes atteintes de démence ou de problèmes de santé mentaux sont également des populations à risque.
Au Royaume-Uni, le problème est pris très au sérieux. Les cas d’empoisonnement liés à l’ingestion de gel hydroalcoolique pour les mains à base d'alcool signalés au National Poisons Information Service (NPIS), l’équivalent de nos centres antipoisons, ont bondi de 61% entre 2019 et 2020, passant de 155 (du 1er janvier au 16 septembre) à 398 (du 1er janvier au 14 septembre).
Des conséquences mortelles pour l’organisme
Le fait d’ingérer du gel hydroalcoolique intoxique notre organisme, qui n’est pas conçu pour assimiler de l’alcool aussi pur. Rien qu’avec l’éthanol, il est possible d’aller jusqu’à une alcoolisation massive responsable de brûlure d’estomac, de coma, voire même de décès. Quant à l’isopropanol, il est connu pour ses propriétés désinfectantes, décapantes et dissolvantes, il est notamment couramment utilisé comme additif dans l’essence pour nettoyer les moteurs. Ses propriétés irritantes attaquent l’intégralité du tube digestif et son ingestion peut causer des maux de tête, des vertiges, des nausées, des vomissements et le coma.
Dans leur étude, les médecins légistes décrivent deux cas d’ingestion mortelle de gel hydroalcoolique pendant la pandémie. La première relate la mort d’une jeune femme sous antidépresseur, internée en psychiatrie qui bu une tasse de gel hydroalcoolique. Elle possédait un taux d’alcool élevé dans le sang à cause de l’éthanol du produit, et l’antidépresseur qu’elle prenait, la venlafaxine, a bloqué sa respiration les molécules du médicament sont entrées en contact avec le gel.
Dans le deuxième cas, c’est un homme de 76 ans qui a involontairement avalé de la mousse désinfectante qui était fixée au pied de son lit d’hôpital. L’homme souffrait de démence et de dépression et était lui aussi avec des antidépresseurs. Admis en soins intensifs, il a développé des complications et est mort six jours plus tard.
“La combinaison de l'augmentation de la demande et de l'exposition aux désinfectants pour les mains à base d'alcool, et les conséquences négatives de l'épidémie de Covid-19 sur la santé mentale, l'aide sociale, la sécurité financière et les services de santé sont une source de grave préoccupation. Si les gouvernements et les autorités de santé publique ont réussi à nous faire prendre conscience de la nécessité d'une meilleure hygiène des mains lors de l'épidémie de Covid-19, ils doivent également sensibiliser le public aux méfaits potentiels et encourager la notification de ces méfaits aux centres d'information antipoison”, concluent les médecins légistes dans leur étude.