Une "première mission habitée à destination de Mars en 2026, voire 2024". Voici ce qu’a annoncé le patron de Tesla Elon Musk alors que le groupe de presse allemand Axel Springer lui remettait un prix qui récompense chaque année des "personnalités exceptionnelles qui sont particulièrement innovantes, ouvrent de nouveaux marchés, influencent la culture et en même temps assument leur responsabilité envers la société".
Également fondateur et PDG de l’agence spatiale SpaceX, Elon Musk compte donc envoyer les premiers astronautes sur la Planète rouge dès 2026, après avoir testé le voyage d’un véhicule sans équipage d’ici deux ans pour un vol aller-retour. Son objectif est affiché : développer le tourisme spatial, grâce notamment à son vaisseau Starship, qui pourrait à terme transporter une centaine de voyageurs.
Si le milliardaire dispose des fonds et de la technologie nécessaires pour réaliser son grand projet, se pose toutefois une question : quels effets ce voyage dans l’espace aura-t-il sur les voyageurs ?
Des modifications physiologiques constatées
Plusieurs études se sont déjà penchées sur les modifications neuro-anatomiques observées lors des longs vols spatiaux. En 2018, des travaux publiés dans le New England Journal of Medicine ont ainsi montré que l'exposition prolongée à la microgravité a des effets très nets sur le cerveau : des IRM réalisées sur des astronautes ayant passé 189 jours à bord de la Station Spatiale Internationale ont révélé une diminution du volume de la matière grise et une augmentation du volume du liquide céphalo-rachidien.
Une autre étude publiée il y a deux ans dans la revue PNAS a aussi démontré que l’exposition aux différentes radiations auxquelles sont soumis les astronautes dans l’espace aurait des effets négatifs sur leur tractus gastro-intestinal et pourrait même favoriser l’apparition de cancers.
Des études antérieures ont aussi montré que les vols spatiaux induisaient des changements physiologiques dans la fonction cardiaque, notamment une réduction de la fréquence cardiaque, une baisse de la pression artérielle et une augmentation du débit cardiaque.
Plus étonnant encore, les voyages spatiaux auraient la capacité de modifier la morphologie osseuse. Des recherches menées par le Massachusetts Institute of Technology auprès de 17 astronautes ayant passé en moyenne six mois à bord de la Station Spatiale Internationale ont mis en évidence une diminution de la densité musculaire et une réduction de la taille des muscles du dos. Pour les muscles individuels, la taille a diminué de 4,6 à 8,8%. Les scanners ont également montré une augmentation significative de la quantité de tissu graisseux présent dans les muscles paravertébraux.
Une modification de l’activité mitochondriale
Comment expliquer ces modifications neuro-anatomiques ? Des chercheurs de la NASA ont peut-être trouvé la réponse. Selon eux, les changements environnementaux induits par les voyages spatiaux, dans lesquels l’organisme serait non seulement soumis à l’apesanteur, mais aussi à des rayonnements électromagnétiques, affecterait les mitochondries. Ces organites intracellulaires produisent l’énergie permettant à notre organisme de fonctionner.
Or, les voyages prolongés dans l’espace peuvent altérer le fonctionnement des mitochondries, ce qui peut engendrer des troubles du sommeil, mais aussi une dysfonction cardiaque ou immunitaire. "Lorsque nous avons commencé à comparer les tissus de souris ayant participé à des missions spatiales distinctes, nous avons remarqué que les dysfonctionnements mitochondriaux ne cessaient d'apparaître", explique le chercheur Afshin Beheshti, auteur principal de l’étude publiée dans Cell. "Que nous cherchions des problèmes dans les yeux ou dans le foie, les mêmes voies liées aux mitochondries étaient à l'origine du problème."
Les données de la NASA sur les humains ont confirmé cette hypothèse. Les changements identifiés dans le système immunitaire de l'astronaute Scott Kelly au cours de son année dans l'espace à partir de 2015 peuvent aussi s'expliquer par les changements observés dans l'activité de ses mitochondries. Les échantillons de sang et d'urine de dizaines d'autres astronautes ont montré d'autres preuves que, dans divers types de cellules, le fait d'être dans l'espace a entraîné une altération de l'activité mitochondriale.
Pour le Pr Beheshti, "c'est un grand pas vers la découverte de la façon dont notre corps peut vivre sainement en dehors de l'espace". "Et la bonne nouvelle, c'est que c'est un problème auquel nous pouvons déjà commencer à nous attaquer. Nous pouvons examiner les contre-mesures et les médicaments que nous utilisons déjà pour traiter les troubles mitochondriaux sur Terre afin de voir comment ils pourraient fonctionner dans l'espace, pour commencer."