- Quelle est la situation des aidants alors que la deuxième vague a entraîné une nouvelle période de confinement ?
Dr Imad Sfeir : Les aidants ont encore plus besoin aujourd'hui d'être soutenus ! Cette deuxième vague de l'épidémie et le confinement qui l'accompagne impacte leurs déplacements, leur vie quotidienne, au moment même où ils doivent être encore plus aux côtés des personnes aidées. Pour cette raison ils ont besoin d'être à leur tour soutenus psychologiquement et de se voir proposer des solutions de répit. C'est pour cette raison que le réseau RESEDA propose aux aidant le soutien de notre équipe de psychologues, même s'ils ne peuvent intervenir qu'à distance en raison du confinement. Et nous avons d'autres activités, également en distanciel, qui leur permettent de bien s'occuper d'eux-mêmes, et surtout de passer du temps à penser à autre chose que la maladie ou aux difficultés des personnes qu'ils accompagnent.
- Mais des aidant, notamment ceux qui accompagnent des personnes à domicile, sont parfois très isolés. Comment vous parvenez, dans les circonstances actuelles, à rester en relation avec chacun d'entre-eux ?
Dr I.S. : Depuis bien avant la crise, par le biais de notre réseau, nous avions organisé des contacts et des temps de rencontre avec les aidants, comme des visites de musée pour les couples 'aidant-aidé', mais aussi des cours de cuisine, des ateliers de couture, que l'on a pu poursuivre en distanciel et de garder le contact avec les aidants pendant cette deuxième vague et cette nouvelle période de confinement.
- Cela, c'est l'action de votre réseau. Mais d'une façon plus générale, alors que le rôle des aidants est essentiel, est-ce qu'on leur apporte suffisamment de soutien, de reconnaissance ?
Dr I.S. :Même si l'on a fait des efforts depuis quelques mois puisque l'on a mis en place des dispositifs pour aider financièrement les aidants en leur versant des forfaits annuels pour les aider à prendre du répit, une sorte de congés payés, on n'est pas allés jusqu'au bout pour répondre à leurs besoins et les remercier. Or, sans les aidants - ils représentent environ 8 millions de personnes en France si l'on considère comme tels les proches aidants de personnes handicapées ou dépendantes- il faudrait financer autant de nouveaux professionnels de santé ! Il faut reconnaître le rôle très important qu'ils jouent dans la prise en charge des personnes malades en France, reconnaître aussi leur statut et les aider dans des moments difficiles comme ceux que nous traversons pour qu'ils puissent continuer à s'occuper de ces malades.
- Qu'est-ce qui permettrait, selon vous, de mieux les accompagner ?
Dr I.S. : J'insiste, il faudrait d'abord une reconnaissance de leur statut d'aidant et cette reconnaissance elle passe beaucoup par quelque chose de très important pour eux, la possibilité de prendre des congés payés. Ils ont droit aujourd'hui à trois mois sur l'ensemble du temps passé auprès des personnes aidées mais il faudra aller bien au-delà pour que les aidants puissent avoir de vrais temps de répit.
- Ce qui implique qu'il faut aussi pouvoir les remplacer auprès de la personne aidée ...
Dr I.S. : Exactement. Mais il faudra également apporter un soutien financier aux couples aidant-aidé pour qu'ils puissent partir en vacances ensemble : il y a plusieurs centres en France qui peuvent les accueillir mais tout cela coûte de l'argent ... Il faut absolument aider l'aidant à tenir le coup !
- Cette aide matérielle, vous l'évaluez à quel niveau ?
Dr I.S. :On a déjà fait bouger les choses puisque l'on propose aux aidants des forfaits de 500 euros par an pour prendre du répit. Mais ce n'est pas suffisant. Si l'on a amélioré le système, il faut pourtant aller plus loin et dans ce que l'on propose financièrement, et dans la reconnaissance en termes de statut.
- Concrètement, quelles seraient les décisions, les mesures à prendre ?
Dr I.S. : On pourrait par exemple financer l'hébergement pour des séjours temporaires en établissements mais aussi prendre en charge les transports pour les accueils de jour. Actuellement, une grande partie de des frais reste à la charge de l'aidant. Mais pour cela il faut des lois qui améliorent les financements et la prise en charge.
- Cette crise sanitaire avec ses conséquences sur les aidants peut-elle aboutir à ce que les choses avancent plus vite ?
Dr I.S. : C'est effectivement le possible côté positif de la crise, il y a toujours des côtés positifs dans une crise ! Cela peut être un accélérateur pour faire avancer certaines lois, aller plus loin dans certains dispositifs si tout le monde a compris les enjeu d'une aidance en difficultés ... Les pouvoirs publics semblent avoir pris conscience du rôle de l'aidant mais il faut maintenant faire avancer cette nouvelle loi "grand âge et autonomie" que l'on attend toujours avec impatience, qu'il y ait des dispositifs supplémentaires pour soutenir les aidants et leur apporter la reconnaissance qui leur est due !
Ci-dessous, notre podcast sur le thème : "Comment les aidants vivent la crise sanitaire"