Après des accidents en série, qui ont déjà coûté la vie à plus de dix patients, et handicapé des dizaines d'autres, la ministre de la Santé va labelliser les centres.
Branle-bas de combat pour sécuriser la radiothérapie. Après une vague sans précédent en France d'accidents de surirradiation, notamment à Epinal et Toulouse, le ministre de la Santé vient d'annoncer 32 mesures pour « répondre sans délai à l'ampleur des dégâts humains occasionnés par cette crise ». Vint quatre d'entre elles seront mises en oeuvre avant janvier 2008, a promis Roselyne Bachelot.
La situation est en effet critique. Alors que trois quart des patients pris en charge pour un cancer sont traités à un moment ou un autre par radiothérapie, soit 3,5 millions de séances par an, des accidents en série ont mis en lumière les multiples lacunes dans l'organisation de cette discipline. Selon un rapport d'étape présenté par le Pr Didier Peiffert (radiothérapeute, Nancy), « l'accident survenu à l'hôpital d'Epinal, le plus important jamais enregistré en France, est lié à une chaîne de dysfonctionnements ». Entre mai 2005 et août 2006, 24 patients traités pour un cancer de la prostate ont été surexposés de 20%. Cinq d'entre eux sont décédés et les autres souffrent pour la plupart de symptômes sévères. Depuis, d'autres erreurs ont été identifiées et ce sont finalement plus de 5000 malades irradiés depuis 1987 qui auraient subi une surexposition plus ou moins conséquente. Le dossier est loin d'être clos. « Il est encore trop tôt pour évaluer les éventuelles conséquences cliniques que ces surexpositions pourraient avoir occasionné », précise le Pr Peiffert. Parallèlement, au Chu de Toulouse, 145 personnes ont été exposées à des doses trop fortes de radiations entre avril 2006 et avril 2007 et six sont décédées. Une erreur de calibration de l'appareil serait à l'origine de cet accident. Les enquêtes administratives, et des procédures judiciaires -civiles et pénales, sont encore en cours. L'état des lieux des 180 centres de radiothérapie français – présenté également au congrès- confirme le malaise. « La modernisation du parc est loin d'être achevée : 18% des appareils sont installés depuis 15 ans ou plus. Ils fonctionnent correctement mais ne peuvent satisfaire aux exigences des techniques récentes de radiothérapie », note ainsi le Dr Bruno Chauvet, co-coordonnateur de l'Observatoire, mis en place en 2006. Il s'inquiète aussi des tendances démographiques, tant pour les médecins que du côté des radiophysiciens et des manipulateurs. Ainsi, dans plus de 10% des centres, les effectifs des manipulateurs -en charge de la réalisation pratique des séances, ne répondent pas aux obligations réglementaires. Une labellisation des centres d'ici à 2010
Le plan Bachelot est constitué de 32 mesures visant à garantir la sécurité dans les centres, et à assurer « au long cours » la qualité des pratiques. Un dispositif pérenne de radio-vigilance sera également mis en place. En pratique, les grandes man½uvres ont déjà commencé. Sur les 180 centres de radiothérapie, 90% ont été inspectés par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ce contrôle sera achevé d'ici à la fin 2007, a assuré la ministre de la santé. Tous les services devront ensuite disposer d'une autorisation spécifique pour traiter les malades atteints de cancer, a –t-elle indiqué. L'obligation de disposer d'une dosimétrie in vivo (lire et écouter ci-contre) sera l'un des 17 critères retenus. Une excellente nouvelle, sachant qu'aujourd'hui moins de la moitié des centres de radiothérapie en sont équipés, alors que, comme le reconnaît la ministre, cette technique aurait évité l' « accident sériel » à Epinal. Une enveloppe de trois millions d'euros a été dégagée pour ces équipements. Ces exigences pour la labellisation entraîneront-elles la fermeture de centres, comme le suggère un article du Parisien daté du 29 novembre ? Roselyne Bachelot a réfuté cette hypothèse, soulignant que les établissements auraient jusque 2010 pour se mettre en conformité. La ministre a par ailleurs annoncé un effort financier de deux millions d'euros en 2008 pour financer des centres de formation des radiophysiciens. Leur effectif, 300 actuellement, devrait être doublé d'ici 5 ans, et leur formation sera prolongée d'un an. Après l'hécatombe d'Epinal et de Toulouse, ces annonces suffiront-elles à restaurer la confiance des patients ?
(1) Issu des recommandations d'un groupe de travail mis en place en mars 2007, coordonné par l'Institut national du cancer (INCA), et associant principalement l'Autorité de santé nucléaire (ASN), la Haute autorité de santé (HAS), l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), et la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).
Questions à Pr Françoise Mornex, secrétaire générale de la Société française de radiothérapie oncologique
«200 000 patients par an»
Parmi les mesures annoncées, quelles sont les plus importantes ? Pr Françoise Mornex. L'une des mesures phares est la mise à disposition dans tous les établissements de la dosimétrie in vivo. C'est un dispositif léger mais extrêmement sophistiqué que l'on interpose entre le faisceau d'irradiation et la peau du patient. Comme un thermomètre mesurant la température, cet appareil permet de quantifier à tout moment, en temps réel, la dose réellement reçue par le patient. En tant qu'oncologues radiothérapeutes, nous sommes très soulagés, car beaucoup d'entre nous n'avaient pas les moyens d'acquérir ce matériel coûteux. La dosimétrie in vivo va contribuer à améliorer la qualité de notre travail et elle facilitera la prévention de nouveaux incidents d'irradiation.
Combien de malades sont-ils traités par radiothérapie en France ? Pr F.M. La radiothérapie est un traitement fondamental puisqu'elle concerne environ 200 000 patients par an en France, sur les 300 000 nouveaux cas de cancer annuels. Globalement, trois malades sur quatre sont traités par radiothérapie à un moment donné de l'évolution de leur maladie cancéreuse, soit dans le but de les guérir, soit dans celui de soulager leurs symptômes.
Entretien avec S.C.
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