- La hausse de la température est désignée principal danger pour la santé.
- La pollution de l’air est responsable de 7 millions de morts chaque année.
- Seule la moitié des pays étudiés ont élaboré des plans nationaux faisant le lien entre santé et climat.
La pandémie de Covid-19 prouve que la santé de la population mondiale est fragile. Prochain danger sur la liste : le réchauffement climatique. Dans le cinquième rapport annuel du Lancet Countdown on Health and Climate Change, les 120 universitaires et chercheurs de 35 institutions mondiales pointent les nombreux risques du réchauffement climatique qui pèsent sur notre santé. “Les chocs induits par le climat entraînent des décès, nuisent à la santé et perturbent les moyens de subsistance dans toutes les régions du monde en ce moment même”, a ainsi résumé Ian Hamilton, directeur exécutif de ce rapport.
La hausse des températures, danger numéro 1
Depuis cinq ans et les accords de Paris pour le climat, des chercheurs et universitaires se sont liés pour faire chaque année un état des lieux de la situation climatique et de ses effets sur la santé de la population mondiale. “Nous observons des évolutions inquiétantes, liées notamment au manque d’action”, constate à Libération Jonathan Chambers, l’un des coauteurs et chercheur à l’Université de Genève. La hausse de la température est désignée principal danger pour la santé. Un danger déjà présent puisque le rapport montre que les niveaux de mortalité liée à la chaleur parmi les personnes vulnérables sont en augmentation dans toutes les régions du monde (+ 54% en vingt ans), avec 296 000 morts en 2018. Ces hausses de température sont les éléments déclencheurs de nombreux feux de forêt qui ont connu une augmentation dans 128 pays lors des 20 dernières années. “Les effets cardiovasculaires et respiratoires des vagues de chaleur records et les incendies de forêt en Australie, dans l’ouest de l’Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest”, ont écrit les auteurs.
“Aucun pays - qu'il soit riche ou pauvre - n'est à l'abri des effets du changement climatique sur la santé”, préviennent les auteurs. Les pays les plus touchés sont la Chine, l'Inde, l'Allemagne, les Etats-Unis, la Russie et le Japon. La France n’est pas en reste puisque les chercheurs la qualifie de pays “vulnérable” aux effets sanitaires de la chaleur. Les épisodes de canicule y ont causé 8 000 morts rien qu'en 2018 parmi les plus de 65 ans. Le coût économique de cette mortalité équivaut à 1,3 % du revenu national brut de la France, selon le rapport. Dans le monde, ces vagues de chaleur empêchent le travail extérieur dans de nombreux pays en développement faisant vaciller la sécurité alimentaire puisque moins de récoltes sont réalisées. Selon le rapport, pas moins de 302 milliards d’heures de travail n’ont pas pu être effectuées en 2019 pour cette raison, dont 40% en Inde mais aussi en Chine ou au Bangladesh. C’est 103 milliards d’heures de plus qu’en 2000.
La pollution de l’air, 7 millions de morts chaque année
La pollution de l’air est l’une des principales conséquences du réchauffement climatique et ses effets sur la santé sont nombreux. Chaque année, on dénombre plus de 7 millions de morts à cause de la pollution. “La part du charbon dans la production d’électricité globale n’a que peu changé [en cinq ans], or celle-ci est une source importante de gaz à effet de serre et de pollution aux particules fines, qui font dans le monde 7 millions de morts prématurés”, poursuit Jonathan Chambers. En France, affirment les auteurs, 25 350 décès sont directement liés à la pollution aux particules fines.
Le dérèglement climatique est aussi accusé de creuser les inégalités. “Ces changements créent un fossé cruel qui renforce les inégalités existantes en termes de santé, entre et dans les pays. […] Tout comme pour la Covid-19, les personnes âgées sont particulièrement vulnérables, celles ayant des pathologies comme l'asthme ou le diabète le sont encore plus”, abonde relève Hugh Montgomery, médecin en soins intensifs et co-président du rapport. Le changement climatique fait également craindre un retour en arrière concernant certaines maladies infectieuses mortelles en favorisant la propagation du paludisme, de la vibriose et de la dengue, transmise par les moustiques.
Des “mesures urgentes” sont nécessaires
Des changements importants sont nécessaires pour inverser la tendance, pointent les chercheurs, et la crise sanitaire actuelle liée à la pandémie de coronavirus pourraient représenter une opportunité. Pour les chercheurs, la pandémie Covid-19 et le changement climatique “représentent des crises convergentes”. “La pandémie nous a montré que lorsque la santé est menacée à l'échelle mondiale, nos économies et nos modes de vie peuvent s'arrêter”, a déclaré le Dr Ian Hamilton. Les milliards dépensés pourraient permettre d'améliorer les systèmes de santé publique, de créer des économies durables et de protéger l'environnement. Ces mesures pourraient dans le même temps réduire le risque de pandémies futures, car, rappellent les auteurs du rapport, le changement climatique conduit également à une élévation des risques de pandémie zoonotique comme la dengue, la malaria ou les maladies liées aux bactéries du genre Vibrio.
“Utiliser les investissements post-Covid en réponse à la crise écologique, c’est aussi prévenir des futures crises sanitaires, ainsi que leurs dommages économiques. Effectivement, en prenant maintenant des mesures structurelles, on est trois fois gagnant – une économie plus durable et équitable, un environnement respecté et protégé, et une meilleure santé publique pour tous”, confirme Jonathan Chambers.
Des “mesures urgentes” doivent être adoptées, assène le rapport. Actuellement, seule la moitié des pays étudiés par les chercheurs et universitaires ont élaboré des plans nationaux faisant le lien entre santé et climat, et seuls quatre d'entre eux disposent d'un financement national adéquat. Les deux tiers des villes du monde interrogées s'attendent à ce que le changement climatique compromette sérieusement leurs infrastructures de santé publique.