- Menée sur des souris, l'étude montre que des perturbations récurrentes du sommeil pendant l'adolescence peuvent augmenter le risque de développer une dépression.
- Ce risque est plus important chez les filles adolescentes qui, lorsqu'elles sont en déficit de sommeil, ont une tolérance moindre au stress et peuvent développer des troubles de l'humeur.
Selon Santé Publique France, près de 9 millions de personnes ont vécu ou vivront une dépression au cours de leur vie. Soit une personne sur sept. Parmi les 3 millions de patients dépressifs que compte aujourd’hui l’Hexagone, toutes les catégories d’âge sont représentées, même si la prévalence est deux fois plus importante chez les femmes que chez les hommes. La dépression ne concerne d’ailleurs pas que les adultes puisque la prévalence des troubles dépressifs est estimée entre 2,1 à 3,4 % chez l’enfant et à 14 % chez l’adolescent.
Selon une nouvelle étude menée par l’université d’Ottawa (Canada) publiée dans la revue Behavioural Brain Research, des perturbations récurrentes du sommeil pourraient être l’une des causes sous-jacentes de la dépression chez les adolescents.
Une hausse des comportements dépressifs
"Les adultes souffrant de dépression ressentent souvent leurs premiers symptômes dépressifs au début de l'adolescence, explique Nafissa Ismail, professeure associée à l'École de psychologie de l'Université d'Ottawa et autrice principale des travaux. Cependant, les causes sous-jacentes de la dépression chez les adolescents et ses taux de prévalence par sexe restent flous." Elle cite également une théorie répandue : celle selon laquelle "la dépression trouve son origine dans les adolescents surexposés au stress, et que les différences entre les taux de dépression masculins et féminins sont attribuées à une vulnérabilité accrue des femmes au stress chronique".
Les chercheurs ont donc cherché à savoir si les retards répétés du sommeil affectaient différemment les adolescents et les adolescentes, et comment cela se répercutait sur leur réaction au stress.
Ils ont utilisé un modèle murin de 40 souris mâles et 40 souris femelles qui ont été perturbées dans leur sommeil pendant les quatre premières heures de chaque cycle de repos ou ont bénéficié d'un repos normal pendant huit jours consécutifs. Les rongeurs ont ensuite été exposés à un facteur de stress pour évaluer leur comportement de type dépressif.
"Nos résultats ont montré que les souris adolescentes mâles et femelles présentaient toutes deux un comportement dépressif nettement plus important après seulement 7 jours de retard de sommeil, alors que les souris adultes mâles et femelles ne présentaient pas de comportement dépressif dans des conditions similaires", développe la Pr Ismail.
Après avoir été exposées à un nouveau facteur de stress après 7 jours de perturbation du sommeil, seules les souris adolescentes, aussi bien mâles que femelles, ont une activité accrue dans le cortex prélimbique du cerveau. Cette zone du cerveau est associée à des stratégies d'adaptation au stress et peut être endommagée par une suractivation consécutive à un manque de sommeil.
"Les souris adolescentes femelles ont également montré une plus grande libération d'hormones du stress et une plus grande activation des cellules cérébrales sensibles au stress suite à des retards de sommeil répétés", poursuit la chercheuse.
Un risque de dépression plus important pendant le confinement
Pour l’équipe de recherche, ces résultats suggèrent que des retards de sommeil importants pendant l'adolescence peuvent augmenter la probabilité d'apparition d'une dépression chez les hommes et les femmes. Ces dernières sont par ailleurs davantage impactées, car elles sont alors plus sensibles au stress, ce qui peut augmenter leur risque de développer des troubles de l’humeur.
Pour la Pr Ismail, mieux prendre en compte l’impact d’un sommeil perturbé sur le risque de dépression chez les adolescentes et adolescents est d’autant plus nécessaire en cette période de confinement, au cours de laquelle certaines contraintes (l’apprentissage à distance, les interactions sociales limitées et l’augmentation du temps passé devant l'écran) ont supprimé une certaine pression pour respecter les horaires de sommeil réguliers. "Les adolescents pourraient être plus exposés que jamais au risque de développer une dépression et d'autres troubles de l'humeur", constate la chercheuse.