- Des agents infectieux résistants aux hautes températures peuvent être transportés par la fumée des feux de forêt.
- Après avoir parcouru des centaines, voire des milliers de kilomètres, ils peuvent se déposer sur les surfaces ou être inhalés, et ainsi causer des maladies infectieuses jusqu'ici contrôlées ou encore inconnues.
De l’Australie à la Californie, en passant par le Brésil, l’Antarctique et l’Afrique centrale, des incendies dévastateurs se sont déclenchés dans le monde entier en 2020, ravageant la faune et la flore et propageant sur des kilomètres des fumées toxiques. Ces dernières persistent longtemps dans l’atmosphère, ce qui conduit souvent à des niveaux de qualité de l’air extrêmement bas pendant plusieurs semaines après la maîtrise des incendies.
Pouvant non seulement endommager le cœur et les poumons et déclencher des maladies respiratoires allergiques et inflammatoires, l’exposition à la fumée de feux de forêt augmente aussi significativement le risque infectieux.
C’est ce que met en lumière une étude publiée dans la revue Science vendredi 18 décembre. Selon ses auteurs, la fumée des feux de forêt participe au transport des agents infectieux comme les microbes et les bactéries, et peut donc joue un rôle dans la propagation de maladies. "L'impact sur la santé de l'inhalation de la fumée des feux de forêt augmente de façon spectaculaire lors des feux de forêt à fortes émissions et en cas d'exposition prolongée, explique Leda Kobziar, professeur associé de science des feux de forêt à l'université de l'Idaho (États-Unis). Pourtant, le risque d'infection des voies respiratoires après cette exposition est souvent négligé."
Des particules qui voyagent sur des milliers de kilomètres
Selon les chercheurs, les feux de forêt sont une source de bioaérosols, c’est-à-dire de particules en suspension dans l'air composées de cellules fongiques et bactériennes et de leurs sous-produits métaboliques. Une fois en suspension dans l'air, les particules plus petites que 5 μm peuvent parcourir des centaines, voire des milliers de kilomètres. Leur mouvement dépend du comportement du feu et des conditions atmosphériques. Elles finissent par se déposer ou être inhalées.
Cela signifie que ces agents infectieux peuvent propager des maladies à des centaines ou kilomètres du foyer de l’incendie. C’est le cas notamment des coccidioïdomycoses - un champignon qui se propage dans l'air lorsque les sols sont perturbés – et qui sont la cause de la fièvre de la vallée du Rift, une infection potentiellement grave.
"Nous ne savons pas jusqu'où et quels microbes sont transportés par la fumée, admet George Thompson, professeur associé de médecine clinique à l'université de Davis (États-Unis). Certains microbes dans le sol semblent tolérer, et même prospérer sous les températures élevées qui suivent les feux de forêt."
"À l'échelle d'un microbe, les recherches sur le comportement du feu ont montré que le flux de chaleur est très variable, il se peut donc que de nombreux microbes ne soient même pas soumis à des températures élevées pendant très longtemps. Ils peuvent également être protégés par de petits groupes de particules", avance le Pr Kobziar.Une approche multidisciplinaire
Pour mieux comprendre la nature de la relation entre les agents infectieux, la fumée des feux de forêt et la santé humaine, les chercheurs proposent une approche multidisciplinaire. Ils se sont ainsi basés sur l’expertise scientifiques de différents domaines tels que l'écologie des incendies, la microbiologie environnementale, l'épidémiologie, les sciences de l'atmosphère, la santé publique et les maladies infectieuses."Avec des saisons de feux de forêt plus longues et des tendances de gravité plus élevées, il est urgent de travailler ensemble pour étudier le comportement des microbes transportés par la fumée et leur impact sur la santé humaine", conclut le Pr Thompson.