L’épidémie de Covid-19 bouleverse nos vies, et probablement plus que ce que nous soupçonnons. Le port du masque aurait un impact sur notre relation à autrui. Une étude co-réalisée par des chercheurs de l’université de York à Toronto et celle de Ben Gurion en Israël montre que notre capacité à reconnaître les visages est perturbée par les masques dans notre quotidien. Dans la revue Nature, les chercheurs reviennent sur l’expérience qu’ils ont menée pour parvenir à cette conclusion.
Une capacité fortement diminuée
"Les masques sont un outil essentiel dans nos efforts pour réduire la transmission de la Covid-19, insiste Erez Freud, auteur de l’étude. Il est important de comprendre comment ils affectent notre capacité de perception, c'est-à-dire la reconnaissance des visages." Pour y parvenir, il a recruté, avec son équipe, 496 adultes. Tous ont répondu à un questionnaire en ligne, outil principal de la recherche. D’abord, des images de personnes qu’ils ne connaissaient par leur ont été montrées, puis ils ont du essayer de les reconnaître. L’expérience a été réalisée avec des visages masqués et non-masqués. Les chercheurs ont utilisé une technique de mesure de la capacité à reconnaître des visages, appelée "Test de mémoire des visages de Cambridge". Ils constatent que le masque réduit fortement cette capacité : les participants avaient des résultats semblables à ceux des personnes souffrant de prosopagnosie, un trouble de la capacité à reconnaître les visages aussi appelé "cécité faciale".
Un impact sur nos relations sociales
"La perception des visages repose sur une analyse holistique, c’est-à-dire un traitement du visage dans son ensemble, ajoute Erez Freud. Pour les visages masqués, ce mode de perception n’est pas aussi efficace." Le chercheur constate que le masque nous oblige à traiter chaque trait du visage séparément, ce qui diminue la qualité de la perception. Or, la capacité à reconnaître un visage nous permet non seulement d’identifier des personnes, mais aussi d’interpréter des émotions et des intentions. Pour l’équipe scientifique, l’impact du port du masque sur cette capacité pourrait avoir des conséquences sur nos interactions sociales.
Une forme d’anonymisation
Depuis plusieurs mois, plusieurs chercheurs en sciences sociales se sont intéressés à l’impact du masque sur notre vie. En mai 2020, David Le Breton, professeur de sociologie et d’anthropologie, soulignait que ce bout de tissu nous rend presque anonyme. "Cela abîme pas mal les relations sociales et le plaisir qu'on a à échanger avec les autres", confiait-il à France Info. Selon lui, le masque devrait être l'une des premières choses que nous abandonnerons lorsque la situation sanitaire sera contrôlée.