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Poumons

Covid sévère : les patients manquent d'oxygène, comme s'ils étaient projetés au sommet de l'Everest

Par Mégane Fleury

Des chercheurs spécialistes de l’altitude et de ses conséquences pulmonaires apportent leur expertise sur la compréhension de la maladie mais aussi sur les manières de la soigner. 

Udom Pinyo/ISTOCK
Les cas de Covid sont moins nombreux dans les populations vivant au-dessus de 3 000 mètres d'altitude
L'hypoxie dans les formes sévères est équivalente à une projection sans temps d'adaptation au sommet de l'Everest

Plus vous gagnez en altitude, moins l’oxygène est présent dans l’air. Cela provoque une hypoxie dans l’organisme, c’est-à-dire une baisse de la quantité d’oxygène transportée dans le sang. Les chercheurs de l’Institut pulmonaire et pathologique de haute altitude sont confrontés tous les jours à cette pathologie. Localisé à La Paz en Bolivie, le centre de recherches est situé à plus de 3 600 mètres d’altitude. Récemment, le professeur Gustavo Zubieta-Calleja et son équipe se sont intéressés aux conséquences de la Covid-19 sur les poumons, proches de celles du manque d’oxygène. 

Que se passe-t-il dans l’organisme en cas d’infection ?

D’après ce spécialiste, la maladie peut provoquer une pneumolyse, soit une destruction pulmonaire. Dans cette étude, parue dans Reviews on Recent Clinical Trials, il analyse comment le virus agit sur l’organisme et aboutit parfois à cette dégradation des capacités pulmonaires. Lorsqu’une personne est infectée par le SARS-CoV-2, le virus se fixe sur les sacs alvéolaire des poumons. Les cellules pulmonaires alvéolaires, appelées pneumocytes, et les capillaires, de petits vaisseaux sanguins, sont situés à leur surface. Les premiers permettent de faire circuler l’oxygène dans les seconds. Les capillaires ont ensuite pour rôle de transporter les molécules jusqu’aux différents tissus de l’organisme. 

Des similitudes avec les maladies liées à l’altitude

Le SARS-CoV-2 est capable de pénétrer dans les pneumocytes en ciblant les récepteurs ACE2. Ensuite, il utilise ces cellules pour se répliquer. Ce processus permet au virus de détruire petit à petit les pneumocytes, et provoque une inflammation des sacs alvéolaires ainsi qu’une altération des fonctions pulmonaires. Pour les chercheurs boliviens, cette dégradation des poumons est semblable à œdème pulmonaire de haute altitude (HAPE), même si la seconde pathologie est réversible. "Aussi bien dans le cas de la Covid-19 que du HAPE, les patients situés au niveau de la mer ne peuvent pas inspirer autant d’oxygène que nécessaire, comme s’ils étaient propulsés au sommet de l’Everest sans avoir le temps de s’adapter", expliquent-ils. Lorsque les patients survivent à cette dégradation brutale des poumons, ils doivent vivre avec des séquelles : une fibrose irréversible des tissus pulmonaires. Cela altère tout le mécanisme d’oxygénation de l’organisme. 

Comment compenser cette dégradation pulmonaire ? 

D’après les scientifiques boliviens, il est possible de compenser cette déficience en augmentant le nombre de globules rouges : ce mécanisme de compensation a déjà été observé chez les patients souffrant du mal chronique des montagnes. Si le taux d’hémoglobine, une protéine présente dans les globules rouges, des patients est lui aussi insuffisant, les spécialistes de l’altitude suggèrent d’augmenter le taux d’érythropoïétine, une hormone qui augmente naturellement la production de globules rouges. Les anti-inflammatoires, les antibiotiques, les anti-tussifs participent eux aussi à la meilleure santé des patients, mais leur usage doit être adapté à chacun, indiquent ces scientifiques. Ils rappellent que la maladie frappe particulièrement les personnes fragiles avec un système immunitaire affaibli, une inflammation chronique etc. "L’outil optimal de survie pour un humain infecté par la Covid-19 est un système immunitaire fort", conclut le Dr Zubieta-Calleja. En novembre 2020, des chercheurs se sont aussi intéressés à la Covid-19 dans la perspective de l’altitude : ils ont constaté que les infections sont moins nombreuses chez les populations vivant à une altitude supérieure à 3 000 mètres, alors même qu’elles ont été potentiellement exposées au SARS-CoV-2. Pour eux, l’adaptation des habitants au manque d’oxygène pourrait être une protection contre le virus.