- La levée du confinement devrait commencer avec les nœuds les plus connectés, soit la réouverture des magasins où les caissiers sont des “nœuds” importants puisqu’ils ont un grand nombre de contacts.
- Cette étude souligne la pertinence d'adopter des mesures très strictes de confinement pour arrêter la première flambée épidémique mais montre aussi que la deuxième vague et les suivantes peuvent être plus douces que prévu.
Alors qu’en France, les rumeurs d’un troisième confinement pour endiguer les contaminations à la Covid provoquées par les Fêtes de fin d’année se font de plus en plus fortes, une nouvelle étude se veut relativement rassurante. Selon des travaux parus le 23 décembre dans la revue Europhysics Letters, les mesures mises en place lors de la deuxième vague pourraient être plus modérées que lors de la première. Les chercheurs rappellent toutefois que “certaines mesures de quarantaine sont nécessaires pour que le nombre instantané d'individus infectés ne dépasse pas la capacité du système médical” et qu'un déconfinement en deux étapes est la meilleure solution possible.
Pour en arriver à cette conclusion, des scientifiques de l'Université d'Oakland, de la Novi High School et de la California Polytechnic State University, aux Etats-Unis, ont simulé la progression d’une épidémie dans un réseau où la connectivité de chacun évolue au fil du temps ou en fonction des décisions politiques. La technique utilisée est un modèle comportemental S (susceptible) I (Infected) R (Removed). Celui-ci comprend également des règles (le taux d’infection R0, mesures de distanciation…), ainsi que le principe de réseau et de personnes de nœuds de contacts.
“Récemment, plusieurs auteurs ont intégré la quarantaine dans la modélisation Covid-19. Cependant, ces modèles n'étaient pas basés sur un réseau. En outre, ils n'ont pas abordé la question de la stratégie optimale pour assouplir la quarantaine afin de minimiser le nombre net d'individus infectés - une des questions centrales du présent document”, expliquent les chercheurs. Or baser un modèle sur un réseau n’exige pas l’hypothèse d’un nombre égal de contact pour chaque individu.
Car si une population a une distribution homogène du nombre de contacts, “le nombre total de personnes infectées à la fin de l'épidémie est le même que si aucun confinement n'avait été décrété (saturation du système de santé mise à part)”. En revanche, dans le cas de fréquences de contacts diverses, le nombre global de personnes infectées sera plus faible. En effet, une fois que les personnes ayant beaucoup de contacts (nœuds à haut degré) auront acquis l’immunité, elles empêcheront la propagation de l’épidémie, ralentissant ainsi cette dernière dans leur réseau.
Une levée de confinement en étapes
C’est pourquoi, la levée du confinement devrait commencer avec les nœuds les plus connectés, soit la réouverture des magasins où les caissiers sont des “nœuds” importants puisqu’ils ont un grand nombre de contacts. La vie reprendrait ensuite son cours avec la reprise des rassemblements d’individus
“En pratique, lorsque l'État lève la quarantaine stricte (ou passe d'une phase de quarantaine à la suivante), il y a toujours un choix à faire. On peut ouvrir des magasins plus petits (où les caissiers sont des nœuds à haut degré) ou/et on peut autoriser des rassemblements (qui consistent généralement en des nœuds à bas degré). Le modèle suggère que les magasins doivent être ouverts en premier : de cette façon, nous pouvons éviter que de nombreuses personnes (principalement des ganglions de bas degré) soient infectées”, expliquent les scientifiques. Et de poursuivre : “Un grand nombre de ces nœuds à haut degré sont infectés puis immunisés au moment de la levée de la quarantaine stricte, ce qui diminue le degré moyen du réseau restant”.
“La deuxième vague et les suivantes pourraient être plus faibles que prévu”
“Notre modélisation souligne la pertinence d'adopter des mesures très strictes de confinement pour arrêter la première flambée épidémique mais montre aussi que la deuxième vague et les suivantes peuvent être plus douces que prévu. La modélisation souligne l'importance d'une caractéristique qui est généralement négligée dans l'analyse de la propagation des épidémies : comment l'hétérogénéité des comportements des personnes affecte leur capacité à se protéger de la contagion”, concluent les chercheurs.
Ces derniers admettent toutefois quelques limites à leur étude. En effet, ces résultats ont été obtenus en utilisant un modèle de jouet, les degrés de nœuds dans la vie réelle à l’échelle d’une ville n’étant pas disponibles. Qui plus est, ces travaux n’ont pas pu prendre en compte les degrés de déplacements.
L’hypothèse d’un nouveau confinement à venir
Cette étude paraît alors même que la France s’apprête à un possible reconfinement pour éviter une troisième vague épidémique.
“Sur le plan strictement médical et sanitaire, il faudrait faire comme nos voisins, prendre des mesures plus strictes, comme reconfiner au 26 décembre, a notamment interpellé Djillali Annane, chef du service de réanimation de l’hôpital Raymond-Poincaré, à Garches (Hauts-de-Seine) dans Le Monde le 21 décembre. Sur le plan de la santé mentale, de la capacité de cohésion de notre société, il est fondamental que Noël puisse se dérouler, que les familles puissent passer des fêtes heureuses. Il faut juste être conscient qu’il va y avoir un prix à cela, avec de grandes chances d’un reconfinement dès janvier [2021]”, expliquait-il.
Selon les données publiées vendredi 25 décembre sur le site du gouvernement, 20 262 nouveaux cas confirmés de Covid-19 ont été enregistrés en 24 heures. Soit des chiffres bien au-delà des 5000 nouvelles contaminations quotidiennes espérées par l’exécutif pour le 15 décembre. Rappelons toutefois que cette augmentation s’explique en partie par l’explosion de tests réalisés par les Français avant de retrouver leur famille pour les fêtes.