- Apparemment, ces cellules immunitaires migrent de l'intestin vers les sites d'inflammation du système nerveux central, où elles libèrent une substance messagère anti-inflammatoire.
- Cela pourrait expliquer pourquoi la maladie s'aggrave si ces cellules immunitaires sont éliminées du sang avec des médicaments.
La flore intestinale, également connue sous le nom de microflore intestinale ou microbiote intestinal, est un ensemble de micro-organismes qui logent au niveau des intestins. Depuis quelques années, les scientifiques s’intéressent de plus en plus à elle. De son état pourraient dépendre la fatigue chronique, les vers intestinaux ou encore les effets des immunothérapies. Et récemment, des scientifiques ont même découvert un lien entre la flore intestinale et les sites d’inflammation du système nerveux central dans la sclérose en plaque (SEP). D’après leur étude parue le 22 décembre dans la revue Science Immunology, une classe spécifique de cellules immunitaires jouerait un rôle central dans cet axe intestin-cerveau qui vient d’être identifié. A terme, ces résultats pourraient permettre de créer de nouveaux traitements de la SEP, maladie inflammatoire et dégénérative du cerveau et de la moelle épinière, qui touche aujourd’hui 2,5 millions de personnes dans le monde.
Actuellement, les traitements de la sclérose en plaques reposent sur l’élimination de cellules B productrices d'IgA (ou IgA B) du sang des patients. L'immunoglobuline A (IgA) représente une classe d'anticorps spécialisée dans la défense immunitaire des muqueuses. Toutefois, il y a quelques années, une équipe internationale de l'Université de Bâle et de l'Hôpital universitaire de Bâle (Suisse) a découvert qu’il ne valait mieux pas éliminer un trop grand nombre de cellules B au risque d’aggraver la maladie.
Aujourd’hui, en analysant des échantillons de selles de patients atteints de sclérose en plaques et de personnes en bonne santé, les mêmes chercheurs ont observé que les malades présentent des cellules B ciblant particulièrement les bactéries typiques de la maladie. Ils ont ensuite analysé le rôle de ces cellules immunitaires pendant les poussées aiguës chez 56 malades. Ils ont alors découvert que les cellules IgA B s'accumulaient dans le liquide céphalorachidien et le tissu cérébral des patients présentant des sites d'inflammation aiguës.
Un effet anti-inflammatoire
“Apparemment, ces cellules immunitaires migrent de l'intestin vers les sites d'inflammation du système nerveux central, où elles libèrent une substance messagère anti-inflammatoire, explique le Dr Anne-Katrin Pröbstel, qui a mené l’étude. Cela pourrait expliquer pourquoi la maladie s'aggrave si ces cellules immunitaires sont éliminées du sang avec des médicaments”, poursuit-elle. Ainsi, ces cellules formeraient un pont entre la flore intestinale et les sites d’inflammation du système nerveux central, exerçant ainsi un effet anti-inflammatoire.
“Nous savions, grâce à des études antérieures, que la composition de la flore intestinale joue un rôle dans la sclérose en plaques. Mais on ne savait pas encore exactement comment les bactéries intestinales et les cellules immunitaires s'influencent mutuellement”, se félicite le Dr Pröbstel.
Reste à comprendre ce qui active précisément les cellules IgA B en tant qu'auxiliaires contre la sclérose en plaques et déclenche leur migration de l'intestin vers le système nerveux central. “Si nous trouvons le déclencheur, nous pourrions l'utiliser pour traiter la SEP”, explique le Dr. Pröbstel. Les scientifiques pourraient par exemple modifier la composition de la flore intestinale des malades de manière ciblée afin de mobiliser les cellules IgAB comme aides contre l’inflammation dans le système nerveux.
Chaque cas de SEP est unique
La sclérose en plaques est une affection inflammatoire destructrice de la myéline entraînant une dégénérescence des fibres nerveuses. Chaque cas est unique : ni le nombre de poussée ni l’âge du diagnostic ne permettent de prévoir l’avenir du malade. Certaines formes de la pathologie ne conduisent à aucune difficulté physique tandis que d’autres peuvent évoluer rapidement et devenir très invalidantes. Certaines personnes, enfin, ne connaissent qu’une seule poussée au cours de leur existence. Aujourd’hui, de nombreux traitements existent permettant aux malades de mener une vie sociale, familiale et professionnelle épanouie. Au prix toutefois d’une grande fatigue.
Mais récemment, d’autres chercheurs ont mis au point un traitement qui pourrait arrêter la progression de la maladie tout en préservant le système immunitaire, grâce aux antigènes présents dans des vésicules extracellulaires. Testée avec succès sur des animaux, la thérapie pourrait bien fonctionner aussi sur les êtres humains.