“Fume un joint”, est-il souvent recommandé, pour plaisanter, aux personnes anxieuses. Car le cannabis est réputé pour réduire le stress. C’est même aujourd’hui prouvé scientifiquement pour la première fois sur des rats. Et ces effets seraient beaucoup plus notables chez les femelles que chez les mâles. Toutefois, dans cette étude récemment parue dans la revue Neurobiology of Stress, les scientifiques rappellent que la libération du cortisol, l’hormone du stress, n’a pas que du mauvais. Elle vise notamment à nous aider à répondre aux menaces de notre environnement.
Dans leur étude, les chercheurs de la Washington University (WSU), aux Etats-Unis, ont travaillé avec des rats. Après avoir entraîné les rongeurs à mettre leur nez dans un rayon infrarouge chaque fois qu’ils voulaient une bouffée de vapeur de cannabis et mesuré leur niveau de corticostérone (l’équivalent animal du cortisol), les chercheurs leur ont fait inhaler du cannabis vaporisé quotidiennement pendant un mois. Ce système d’administration a permis aux rats de s’auto-administrer du cannabis quand ils en avaient envie. Ainsi les mêmes circuits neurobiologiques ont été observés que quand une personne prend de la drogue de son gré.
Les 30 jours écoulés, les chercheurs ont mesuré les niveaux de l’hormone du stresse chez les mâles et chez les femelles. Et, alors qu’au départ tous les animaux avaient présenté des pics similaires de corticostérone quand on les avait confrontés à une situation stressante, après la période d’auto-administration de cannabis, seules les femelles qui avaient eu accès à la drogue présentaient une réponse physiologique atténuée au stress.
Un lien de cause à effet prouvé pour la première fois
Autre observation intéressante : “Les rats qui ont eu accès à du cannabis plus puissant ont eu tendance à moins réagir et à avoir des concentrations plus faibles de THC dans leur sang après l'expérience que les rats qui ont eu accès à du cannabis de puissance moyenne, commente Ryan McLaughlin, professeur adjoint de physiologie intégrative et de neuroscience à la WSU et co-auteur de l'article. La cause de cette différence ainsi que les raisons pour lesquelles les femelles semblent être plus réceptives aux effets du cannabis sur le stress sont deux choses que nous avons l'intention d'étudier à l'avenir”, poursuit-il.
Si de nombreuses interrogations demeurent, c’est la première fois qu’une étude établit un lien de cause à effet entre le cannabis et la réduction du stress. "Nous avons pu montrer de manière assez concluante que l'usage chronique de cannabis peut, en fait, atténuer de manière significative la réactivité au stress chez les rats femelles, se félicite donc Carrie Cuttler, professeur adjoint de psychologie à la WSU et co-auteur de l'étude. Jusqu'à présent, personne n'a pu établir si cette réaction de stress émoussée est la cause ou la conséquence de la consommation de cannabis.”
Et ce, pour la simple et bonne raison que dans les études sur l’homme, les scientifiques ne peuvent pas assigner leurs sujets à consommer du cannabis ou les en empêcher pendant un certain temps avant de commencer une expérience.
L’hormone du stress a son utilité
Les chercheurs rappellent toutefois que la libération d’hormones du stress sert le plus souvent un objectif d’adaptation. C’est grâce à elle que l’humain est en mesure de mobiliser les réserves d’énergie dont il a besoin pour répondre de façon appropriée aux menaces qui l’entourent.
"L'incapacité à mettre en place une réponse hormonale appropriée au stress pourrait avoir des effets néfastes qui pourraient potentiellement être préjudiciables à l'individu, insiste donc Carrie Cuttler. La recherche sur le cannabis ne fait que s'accélérer en raison de la légalisation, et nos travaux à venir joueront un rôle important dans la meilleure compréhension des avantages et des conséquences potentielles de la consommation chronique de cannabis chez les femmes et les hommes”, conclut-elle.
En dehors des pics de stress pour réagir à un danger, le cortisol contribue à maintenir l’équilibre énergétique de l’organisme tout au long de la journée. Malheureusement, l’organisme ne fait pas de différence être les situations stressantes et ne se contente pas de produire du cortisol seulement dans une situation dangereuse. Il le fait également quand on est coincée dans les bouchons ou stressé au travail, ce qui est très préjudiciable au bien-être. Un excès de cortisol peut donc être néfaste, entraînant notamment une prise de poids.
Le cannabis médical de plus en plus utilisé
Les résultats de cette étude tombent alors même que les Nations Unies viennent de reconnaître l’utilité médicale du cannabis pour la première fois. Des études ont notamment montré son utilité dans le traitement des troubles obsessionnels compulsifs (TOC), pour atténuer les maux de ventre ou encore pour aider les femmes à gérer les symptômes de la ménopause.
En France, l’expérimentation de cannabis thérapeutique débutera le 31 mars au plus tard, sur au moins 3000 patients. Ces derniers seront des personnes atteintes de pathologies graves (scléroses en plaques, épilepsie de douleurs neuropathiques, effets secondaires de chimiothérapie, soins palliatifs). Quant aux traitements, prescrits uniquement “en cas de soulagement insuffisant ou d'une mauvaise tolérance” avec les traitements déjà existants, ils seront délivrés sous forme de gélules, de fleurs séchées à vaporisée ou d’huile contenant du cannabis médical.