Dans sa phase de développement, au fur et à mesure qu’il apprend et enregistre de nouvelles informations, le cerveau fait sans arrêter émerger de nouvelles connexions neuronales appelées. Il entretient et renforce des données lui apprenant par exemple comment éviter un danger tandis que les connexions jugées inutiles sont élaguées. Les cerveaux adultes fonctionnent de la même façon mais les scientifiques ignoraient encore comment les "connexions inutiles" étaient éliminées dans ce cas-là. Jusqu’à aujourd’hui. D’après une étude parue le 23 décembre dans la revue Nature, des chercheurs ont découvert le mécanisme derrière cette plasticité et possiblement les troubles neurologiques qui affectent des centaines de millions de personnes dans le monde.
Dans le cerveau, la matière grise contient des microglies et des astrocytes, deux cellules complémentaires qui soutiennent notamment les neurones et les synapses. Les microglies sont une défense immunitaire indispensable qui consomment des agents pathogènes et des cellules mortes, tandis que les astrocytes sont des cellules en forme d’étoile qui aident à structurer le cerveau et à maintenir l’homéostasie en participant au contrôle de la signalisation entre les neurones.
Jusque-là, les chercheurs pensaient que la microgliale mangeait les synapses en effectuant son nettoyage. Ce processus est baptisé phagocytose. Mais, "en utilisant de nouveaux outils, nous montrons que, pour la première fois, ce sont les astrocytes et non les microglies qui éliminent constamment les connexions synaptiques excitatrices excessives et inutiles des adultes en réponse à l'activité neuronale", se félicite le professeur l'auteur de l'article, Won-Suk Chung, professeur adjoint au département des sciences biologiques du KAIST (Corée du Sud).
Un article qui "remet en question le consensus général"
Ses collaborateurs et lui ont ainsi développé un capteur moléculaire pour détecter l’élimination des synapses par les cellules gliales et ont calculé la fréquence et le type de synapses cellulaires éliminées. Ils l’ont aussi utilisé sur des souris adultes dépourvues du gène permettant aux astrocytes d’éliminer les synapses. Ils ont ainsi pu remarquer que les animaux présentant une phagocytose astrocytaire défectueuse avaient beaucoup plus de synapses excitatrices dans l’hippocampe. Les chercheurs ont alors réalisé qu’elles étaient modifiées, entrainant un apprentissage et une mémoire déficients chez les rongeurs dépourvus du fameux gène.
"Par ce processus, nous montrons que, au moins dans la région CA1 de l'hippocampe adulte, les astrocytes sont les principaux acteurs de l'élimination des synapses, et cette fonction astrocytaire est essentielle pour contrôler le nombre et la plasticité des synapses", explique Won-Suk Chung.
"Notre article remet en question le consensus général dans ce domaine selon lequel les microglies sont les phagocytes de synapse primaires qui contrôlent le nombre de synapses dans le cerveau", poursuit-il.
Une nouvelle stratégie dans le traitement de troubles du cerveau ?
C’est pourquoi, "nos découvertes ont de profondes implications pour notre compréhension de la façon dont les circuits neuronaux changent pendant l'apprentissage et la mémoire, ainsi que dans les maladies", se félicite le chercheur. "Les changements du nombre de synapses sont fortement associés à la prévalence de divers troubles neurologiques, tels que les troubles du spectre autistique, la schizophrénie, la démence frontotemporale et plusieurs formes de crises".
A long terme, les chercheurs veulent comprendre comment le renouvellement des synapses par les astrocytes affecte les troubles neurologiques. "Il est intriguant de postuler que la modulation de la phagocytose astrocytaire pour restaurer la connectivité synaptique pourrait être une nouvelle stratégie dans le traitement de divers troubles du cerveau", conclut Chung.
Les troubles neurologiques sont des afflictions du système nerveux central ou périphérique. Elles touchent le cerveau, la moelle épinière, les nerfs crâniens, les nerfs périphériques, les racines nerveuses, le système nerveux végétatif, la jonction neuro-musculaire et les muscles.
Parmi eux, l’OMS compte "l’épilepsie, la maladie d’Alzheimer et d’autres démences, les maladies cérébro-vasculaires, y compris l’accident vasculaire cérébral, la migraine et autres céphalées, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, les infections du système nerveux, les tumeurs du cerveau, les troubles traumatiques du système nerveux tels que les traumatismes crâniens, et les troubles neurologiques liés à la malnutrition".