Ces dernières années, les sites de rencontre ont révolutionné le monde de la séduction. En 2019, 26% des Français avaient déjà été inscrits au cours des dix dernières années, soit un chiffre multiplié par deux depuis 2006. Ce boom s’explique en grande partie grâce à l’explosion du nombre de smartphones et d’applications mobiles qui attirent surtout les jeunes. Aujourd’hui, si une personne sur quatre en France est inscrite sur un site ou une appli de rencontre, c’est surtout chez les 18-34 ans que cela se joue puisqu’ils sont plus de 40% à être concernés et 25% à avoir payé pour des offres premium. Face à cette nouvelle tendance, de nombreuses personnes ont crié au loup, certains dénonçant un “marchandage des corps” sur les applis de type Tinder et d’autres assurant que ce nouveau mode d’interaction détruirait l’amour. Toutefois, d’après une étude parue mercredi 30 décembre dans la revue Plos One, il n’en est rien.
Pour en arriver à cette conclusion, des chercheurs de l’université de Genève (UNIGE) en Suisse ont collecté des informations sur des couples formés grâce à une application de rencontres. Résultat : ces derniers avaient des intentions de cohabitation plus importantes que les couples qui s’étaient rencontrés “dans la vraie vie”.
“L'étude ne dit pas si leur intention finale était de vivre ensemble à long ou à court terme, mais étant donné qu'il n'y a pas de différence dans l'intention de se marier, et que le mariage est toujours une institution centrale en Suisse, certains de ces couples considèrent probablement la cohabitation comme une période d'essai avant le mariage. Il s'agit d'une approche pragmatique dans un pays où le taux de divorce se situe constamment autour de 40%”, commente Gina Potarca, chercheuse à l'Institut de démographie et de socio-économie de la Faculté des sciences sociales de l'UNIGE.
Des couples plus diversifiés
Les femmes ayant trouvé leur partenaire via une application avaient par ailleurs un désir d’enfant plus marqué que les autres. Elles prévoyaient en effet davantage d’avoir un enfant dans un futur proche. Qui plus est, les partenaires rencontrés par le biais du numérique exprimaient le même niveau de satisfaction par rapport à leur relation que les autres. Enfin, ces applications permettraient à des couples plus diversifiés de se créer. Car elles permettent à des personnes éloignées géographiquement ou d’une classe sociale complètement différente de se rencontrer quand cela ne serait jamais arrivé autrement.
“Internet transforme profondément la dynamique de la rencontre, développe Gina Potarca. Il offre une abondance sans précédent de possibilités de rencontre, et implique un effort minimal et aucune intervention de tiers.”
“Une grande partie des médias affirment” que les applications comme Tinder où les gens balayent d’une photo à l’autre “ont un effet négatif sur la qualité des relations car elles rendent les gens incapables d'investir dans une relation exclusive ou à long terme. Jusqu'à présent, cependant, rien ne prouve que c'est le cas”, poursuit la scientifique.
Autre observation intéressante : alors que les sites de rencontre traditionnels ayant précédé ces applications mobiles attiraient principalement les plus de 40 et/ou les divorcés à la recherche d’un engagement, ces nouveaux modèles ont séduit les jeunes. “En éliminant les longs questionnaires, les auto-descriptions et les tests de personnalité que les utilisateurs de sites de rencontres doivent généralement remplir pour créer un profil, les applications de rencontres sont beaucoup plus faciles à utiliser. Cela a permis de normaliser l'acte de rencontre en ligne et d'en ouvrir l'utilisation aux catégories les plus jeunes de la population”, explique Potarca.
Des résultats à prendre avec des pincettes
Si cette étude a de quoi redorer le blason des applis de “dating”, de nombreuses recherches ont toutefois mis en lumière des aspects pervers de ce mode de rencontres. En effet, selon une étude parue en novembre dans Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking, sites de rencontre et symptômes dépressifs étaient largement associés. “Cependant, nous ne pouvons pas déterminer si les personnes présentant des symptômes importants d'anxiété et de dépression sont plus susceptibles de recourir aux applications de rencontre, ou si les personnes deviennent plus anxieuses et déprimées en conséquence de leur recours aux applications de rencontre, notaient les chercheurs. Nos résultats suggèrent que l'étendue et les motivations de l'utilisation des applications de rencontre sont associées aux symptômes de l’anxiété et de la dépression”, concluaient-ils.
En 2015, un sondage iFop mené sur des Français avait quant à lui démontré que les sites de rencontre étaient majoritairement utilisés pour du sexe et juste du sexe. Ainsi, entre 2012 et 2015, la proportion d’utilisateurs de ces sites avouant n’y rechercher que “des aventures sans lendemain” est passée de 22 % à 38 %. Qui plus est, un quart des inscrits déclaraient avoir déjà eu un rapport sexuel grâce à un site de rencontre. D’après les chercheurs, ces résultats “confirment l’idée (…) assez répandue” que “ces nouveaux territoires de rencontre sont plus propices au recrutement de partenaires occasionnels qu’à la formation de relations de couple”. Et de conclure : “Les sites de rencontre participent, plus que tout autre mode de rencontre, à l’émergence d’une ‘hookup culture’ dans laquelle la sexualité est totalement dissociée de la conjugalité.”