L’alcool, ce liquide traitre. Si sa consommation ne pose pas de problème lorsqu’elle est modérée, elle peut vite devenir problématique si elle n’est pas maitrisée. Des chercheurs de l’université de médecine de Chicago (Etats-Unis) ont suivi pendant dix ans des jeunes adultes qui consomment de l’alcool. Ils se sont aperçus que les plus sensibles à l’alcool et aux côtés agréables qu’il peut avoir sont plus susceptibles de devenir alcooliques. Les résultats de leur étude ont été publiés le 5 janvier 2020 dans l’American Journal of Psychiatry.
Une consommation accrue chez les amateurs d’alcool
Pour cette étude, les chercheurs ont suivi 190 jeunes adultes pendant dix ans. A trois intervalles réguliers durant cette décennie, ils les ont mis dans une situation s’apparentant à une beuverie étudiante, avec beaucoup d’alcool à disposition. En parallèle, ils se sont également renseignés sur les habitudes de consommation des participants, et sur leur degré d’appréciation de l’alcool.
Au terme des dix ans, les chercheurs ont mesuré la consommation des participants pour voir ceux qui étaient le plus à même de développer des troubles liés à l’alcool. Sur les 185 participants restants dans l’expérience, en comparaison avec leur consommation au départ, 21%, soit quasiment 40 personnes, ont développé des troubles liés à l’alcool. Parmi eux, les personnes devenues alcooliques présentaient des niveaux plus élevés de stimulation, de goût et d'envie d’alcool. Cette appréciation de l’alcool était déjà plus élevée par rapport à leur niveau de base, sans aucun signe de tolérance à ces effets agréables.
“L'idée que les alcooliques n'aiment pas les effets de l'alcool au fil du temps est basée sur des rapports ad hoc de patients entrant en traitement, indique Andrea King, professeur de psychiatrie et de neuroscience comportementale à l’université de médecine de Chicago. Ce n'est qu'en testant les mêmes personnes sur une longue période pour voir si les réponses à l'alcool changent avec le temps que nous avons pu observer cette réponse élevée à l'alcool, et chez les participants qui ne connaissaient pas le contenu des boissons, donc les effets sur l'attente ont été minimisés.”
Des buveurs festifs qui ne savent pas s’arrêter
Bien qu'il puisse sembler relativement évident que les personnes qui ressentent le plus intensément les effets agréables de l'alcool sont les plus susceptibles de développer des problèmes d’alcoolisme, il est intéressant de voir que les buveurs “festifs” ou “sociaux” le restent tout au long de leur vie, et que cela peut avoir une incidence sur leur santé. “Nos résultats soutiennent une théorie appelée ‘incitation-sensibilisation’, développe Andrea King. En réponse à une dose standard d'alcool enivrante en laboratoire, le nombre de personnes souhaitant consommer plus d'alcool a augmenté considérablement au cours de la décennie chez les personnes qui ont développé des troubles liés à l’alcool plus graves. En outre, la réponse hédonique — combien une personne aimait les effets de l’alcool — est restée élevée pendant cet intervalle et n'a pas diminué du tout. C'est ce qui a toujours été au cœur de la tradition de la dépendance, à savoir que les toxicomanes n'aiment pas la drogue (ici l'alcool) mais ne peuvent pas arrêter de la consommer.”
Selon les chiffres de Santé publique France, 23,6% des personnes entre 18 et 75 ans dépassaient les repères de consommation d’alcool (pas plus de deux verres par jour et pas tous les jours) en 2017. Chaque année, l’alcool est responsable de 41 000 décès, dont 30 000 chez les hommes et 11 000 chez les femmes.
C’est d’ailleurs dans l’optique de mieux connaître sa relation vis-à-vis de l’alcool qu’a été mis en place le Dry January, ou Janvier sec en français. Le principe consiste à s’abstenir de boire de l’alcool durant tout le mois de janvier, afin de mieux comprendre les effets de l’alcool sur notre corps.