Parue dans The Lancet Respiratory Medicine, l’étude a été menée par des chercheurs du centre médical universitaire Vanderbilt (États-Unis), en coordination avec des chercheurs espagnols. C’est de loin la recherche la plus importante de ce type menée à ce jour sur l'incidence du délire et du coma.
Les patients ont été admis avant le 28 avril 2020 dans 69 unités de soins intensifs pour adultes. Les recherches ont porté sur les phases de "délire" de ces patients, plongés dans le coma. Quelques 82% des patients de cette étude d'observation étaient comateux pendant une médiane de 10 jours, et 55% étaient en état de délire pendant une médiane de trois jours. Les dysfonctionnements cérébraux aigus (coma ou délire) ont duré en moyenne 12 jours.
"C'est le double de ce que l'on observe chez les patients non comateux en soins intensifs", souligne la Brenda Pun, qui a co-dirigé l'étude avec le Pr Rafael Badenes, de l'Université de Valence en Espagne. Les auteurs de ces travaux estiment que les processus pathologiques de la Covid-19 pourraient prédisposer les patients à un fardeau plus lourd de dysfonctionnement cérébral aigu.
Des protocoles sanitaires négligés dans l'urgence de la pandémie
Mais l'étude montre surtout que les soins administrés aux patients semblent résulter de pressions exercées par la pandémie. En effet, la sédation profonde, l'utilisation généralisée de perfusions de benzodiazépine (la benzodiazépine est un dépresseur du système nerveux), l'immobilisation et l'isolement des familles fait fi des nouveaux protocoles cliniques qui aident à prévenir le dysfonctionnement cérébral aigu chez les patients gravement malades, soulignent les médecins.
En consultant les dossiers médicaux électroniques des patients, les chercheurs ont pu constater que 88% d'entre ont été soumis à une ventilation mécanique invasive à un moment ou à un autre de leur hospitalisation, dont 67% le jour de leur admission aux soins intensifs. Les patients recevant des perfusions de sédatifs à base de benzodiazépine présentaient par ailleurs un risque accru de 59% de développer un délire, contrairement à ceux qui recevaient des visites de leur famille et pour le risque était réduit de 30%.
"De nombreux hôpitaux de notre échantillon ont fait état d'une pénurie de prestataires de soins intensifs informés des meilleures pratiques. La pénurie de sédatifs a suscité des inquiétudes, et les premiers rapports de patients Covid-19 ont suggéré que le dysfonctionnement pulmonaire observé nécessitait des techniques de gestion uniques, notamment la sédation profonde. Les principales mesures préventives contre les dysfonctionnements cérébraux aigus ont donc été quelque peu négligées", explique Brenda Pun.
"Ces périodes prolongées de dysfonctionnement cérébral aigu sont largement évitables. Notre étude tire la sonnette d'alarme : alors que nous entrons dans les deuxième et troisième vagues de Covid-19, les équipes de soins intensifs doivent avant tout revenir à des niveaux de sédation plus légers pour ces patients, à des essais fréquents de réveil et de respiration, à la mobilisation et à des visites en personne ou virtuelles en toute sécurité", concluent les chercheurs.