- Le SARS-Cov-2 mute dans différentes parties du monde, et acquiert des caractéristiques propres.
- Dans le doute sur l'impact des mutations du SARS-Cov-2, il faut, selon les experts, accélérer la campagne de vaccination en France.
"C'est presque une nouvelle épidémie dans l'épidémie". Invité lundi 11 janvier de BFMTV et RMC, l'épidémiologiste Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique, était alarmiste. Pour lui, l'apparition du variant britannique en France "change complètement la donne", car "ce mutant se répand plus rapidement, 50% de plus que les autres souches".
"On est parti pour au moins un an de variants"
Les variants de la Covid-19 se sont introduits dans le territoire français via des cas importés, et sont en train de se diffuser dans la communauté. Au 6 janvier 2021, 19 cas d’infections au variant VOC 202012/01 (identifié au Royaume-Uni) et trois cas d’infections au variant 501.V2 (identifié en Afrique du Sud) ont été confirmés en France métropolitaine. Depuis lors, la présence du variant britannique a été identifiée dans 7 régions, du premier cas à Tours il y a trois semaines jusqu’aux deux personnes détectées hier matin à Lille, en passant par Marseille. Des chiffres sous-estimés, selon les spécialistes, qui parlent aujourd’hui au bas mot d’une trentaine de cas au sein de l’Hexagone.
Ailleurs dans le monde, l’OMS a annoncé lundi 11 janvier avoir été informée par le Japon de la découverte d’un nouveau variant du coronavirus sur son territoire. "On est parti pour au moins un an de variants, car plus le virus circule, plus il va muter", analyse le médecin militaire Christophe Rapp, membre du HCSP et professeur agrégé du Val de grâce dans la discipline Maladies infectieuses et Tropicales. "En règle générale, les mutations affaiblissent plutôt les virus. Concernant celles de la Covid-19, les enjeux se situent au niveau du diagnostic (tests), de la thérapeutique (médicaments) et de la résistance à la vaccination", poursuit le spécialiste.
Des "travaux préliminaires" et des "incertitudes"
Sur la contagiosité des variants britannique et sud-africain du SARS-Cov-2, l’ANSM se montre beaucoup moins affirmative qu’Arnaud Fontanet, évoquant des "travaux préliminaires" en guise de preuves. Au Royaume-Uni et en Afrique du Sud, "des travaux préliminaires sont en faveur d’une transmissibilité de ce variant plus élevée que celle des virus SARS-Cov-2 circulant actuellement en France", écrit l’agence de santé dans un communiqué de presse daté du 7 janvier 2021.
En laboratoire, le variant britannique a des caractéristiques qui permettent de mieux pénétrer la cellule, et ses charges virales sont plus importantes dans les voies aériennes supérieures : on peut donc penser qu’il est davantage contagieux que le SARS-Cov-2 français. L’explosion de l’épidémie en Grande Bretagne va aussi dans ce sens. Néanmoins, sur ce point précis, "il y a une incertitude, il faut être prudent. Pour être sûr d’une contagiosité augmentée de 50 à 70%, il faudrait que d’autres pays arrivent à la prouver", analyse Christophe Rapp.
Il poursuit :"on panique beaucoup sur le variant anglais. Mais finalement, son poids dans l’accélération de l’épidémie en Grande-Bretagne est certainement un peu plus modeste que ce que l’on raconte. Il y a d’autres facteurs de diffusion du coronavirus, comme le climat, l’immunité, le respect des mesures barrières, le couvre-feu… En France, on n’est pas du tout dans la même situation que l’Angleterre."
"Pas d’échappement à la réponse immunitaire"
Par ailleurs, ces deux variants du SARS-Cov-2 ne provoqueraient pas de Covid plus graves, et sont toujours sensibles aux vaccins Pfizer et Moderna. "Aucun élément ne témoigne à ce jour d’une sévérité plus forte de la Covid-19 chez les personnes infectées ou d’une possibilité d’échappement à la réponse immunitaire", affirment les experts de l’ANSM.
Dans l’hypothèse où le variant britannique est bien plus contagieux et deviendrait prédominant sur le territoire français, il y aura néanmoins mécaniquement plus de cas, donc potentiellement plus de cas graves. Idem pour la mutation sud-africaine.
"La partie contre les variants est perdue"
Pour le docteur Benjamin Wyplosz, l’enjeu des variants reste avant tout la vaccination, et la nécessité de l’accélérer au plus vite en France, avant que le SARS-Cov-2 ne prenne une autre forme. "Plus on attend, plus le virus va avoir des mutations. Il y en a déjà eu une première quand il est passé de la Chine en Europe, le rendant beaucoup plus virulent", explique l’infectiologue de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre.
"La partie contre les variants est perdue. La seule manière de rattraper le coup, c’est de vacciner massivement la population française, avec 200 000 vaccinations par semaine, et nous ne sommes pas du tout dans ce cadre-là pour l’instant", évalue le professionnel de santé, qui a lui-même déjà vacciné 600 personnes. "Pour vaincre cette pandémie, nous devons tous nous faire vacciner ou attraper le coronavirus, il n’y a pas d’alternative. Le vaccin Pfizer est un vaccin extrêmement bien toléré, remarquablement efficace, semble-t-il même à partir de 8 jours", conclut Benjamin Wyplosz, convaincu.
Depuis un an, la Covid-19 a fait 68 060 morts en France, et 1,9 million de décès dans le monde.