L'histoire de Pauline
Pauline, adressée par l’assistante sociale, rencontre la psychologue du centre. Pauline est enceinte, et aimerait poursuivre sa grossesse, mais hésite. Elle est avec son copain Jérémy depuis deux ans et elle a arrêté brutalement sa pilule sans savoir pourquoi. De l’histoire familiale, elle dit que sa maman est décédée quand elle avait 8 ans, elle vit avec son père mais ils échangent peu. Une nouvelle compagne est arrivée à la maison, elle a 43 ans, et elle est enceinte. Si Pauline mène sa grossesse à terme les deux bébés vont naître à une semaine d’intervalle.
Pauline est bien accueillie dans la famille de Jérémy, par la maman de celui-ci, et tout va bien entre elles deux. Lors de cette première rencontre au centre, Pauline dit que sa belle-mère lui a proposé d’emblée de l’accompagner pour une IVG ; elle-même est passée par là quand elle était jeune. Pauline aimerait en parler à son père mais ne sait pas comment. Elle revient au rendez-vous suivant avec son copain ; ils reconnaissent avoir décidé tous les deux cette grossesse, mais Jérémy pense à présent que ce n’est peut-être pas raisonnable. Pauline arrive à le convaincre de garder la grossesse. Jérémy va demander à ses parents une mise à disposition d’un studio.
Trois semaines plus tard, Pauline revient pour demander une IVG. Elle raconte, déterminée, sans larmes, la situation actuelle : « Je ne peux pas garder la grossesse, je suis trahie par les parents et mon copain s’est rallié à eux ». Les deux familles se sont rencontrées : « Le ciel m’est tombé sur la tête ! Ce qui m’a achevée, c’est quand Jérémy s’est rallié aux parents ; je suis allée pleurer aux toilettes ». La maman de son copain l’a traitée de dirigiste et d’opportuniste. Elle ajoute : « Autant je suis déçue, mais j’aime Jérémy et on va se voir en cachette ».
Nous sommes à 11 semaines de grossesse, l’IVG est réalisée. La psychologue revoit Pauline deux mois plus tard avec son copain, tout sourire, elle raconte le parcours de son IVG. Les parents sont à présent d’accord pour que le couple emménage ensemble, ils doivent se débrouiller financièrement. L’apprentissage de la vie de couple est difficile.
Pour en savoir plus, lisez : Histoires d'IVG, Histoires de femmes - Parce qu’il faut en parler et surtout les écouter, de Luisa Attali, Karima Bettahar, Elisabeth Guceve, Françoise Hurstel (Compilateur) et Israël Nisand (Préfacier).
Fiche de lecture : L'interruption volontaire de grossesse (IVG), légalisée en France en 1975, reste un droit à défendre parce qu'elle permet aux femmes de choisir et d'avorter de façon sécurisée. L'IVG est vécue différemment selon les femmes et peut représenter pour beaucoup un événement douloureux. C'est pourquoi l'IVG ne doit pas se réduire à un acte médical et doit être accompagnée par la parole : elle peut alors devenir un événement constructif dans la vie d'une femme.
C'est ce que six professionnelles de santé - gynécologues, psychanalyste, psychologues et sage-femme - ont souhaité partager dans ce livre. Leur point de vue, forgé au cours de leurs années d'accompagnement des femmes et renforcé dans leur groupe de parole, est développé à travers le récit de 23 cas cliniques. Adolescentes ou mères, seules ou en couple, les femmes, face au choix de l'IVG, se confrontent à leur histoire, à celle de leurs parents ou de leur couple, aux silences et aux violences qui parfois la traversent. En un mot, elles se confrontent à elles-mêmes. Chaque histoire est singulière : c'est ce qu'ont voulu montrer les auteurs en s'appuyant sur leur pratique clinique, leur expérience de l'écoute et de la prévention. Ces récits révèlent ce qui peut aider les femmes ayant vécu une IVG à sortir grandies grâce à la parole. Ce livre se veut un outil pour tous les professionnels, qu'ils soient médecins, sages-femmes, psychologues, infirmières, assistants sociaux, afin qu'ils soient sensibilisés et formés à la bienveillance et aux échanges de groupe.
Il intéressera également toutes celles et ceux qui défendent les droits des femmes et notamment celui de choisir.