Lorsqu’un nouvel épisode de violence comme une tuerie de masse ou un féminicide survient, nombreuses sont les personnes à considérer que ces événements sont commis par des personnes "mentalement dérangées", et que jamais quelqu’un considéré comme "sain d’esprit" pourrait commettre de pareilles atrocités. Ce qui peut même amener à se demander si cette violence aurait pu être prévue ou empêchée.
Pourtant, le lien entre violence et maladie mentale n’a rien de systématique, révèlent plusieurs études publiées dans la revue Harvard Review of Psychiatry. Dans ce numéro spécial, des experts sur le traitement et la prévention de la violence interrogent le rapport de cette dernière avec les maladies mentales. Si violence et maladies mentales sont de problèmes de santé publique, il est souvent difficile, voire hasardeux, de les lier systématiquement, révèlent les travaux. En réalité, seuls 3 à 5 % des actes de violence sont attribuables à une maladie mentale. "La grande majorité des auteurs de crimes violents n'ont pas de maladie mentale diagnostiquable, et inversement, la plupart des personnes souffrant de troubles psychiatriques ne sont jamais violentes", souligne le Dr Jeffrey Swanson, professeur de psychiatrie et de sciences comportementales à la faculté de médecine de l'université Duke (États-Unis), et qui a coordonné ce numéro.
Interroger tout le spectre la violence dans le cadre des maladies mentales
Les articles présents dans ce numéro spécial de la revue "reflètent à la fois la nature multidimensionnelle du problème et l'importance de la recherche interdisciplinaire pour éclairer les interventions et les politiques efficaces visant à tenter de le résoudre", précise le Dr Swanson.
Ainsi, sont abordés dans deux articles les traitements de santé mentale pour prévenir la violence : les recherches et les pratiques actuelles sur les médicaments, ainsi que les thérapies comportementales visant à réduire l'hostilité et l'agressivité, notamment dans le cas de la schizophrénie et des troubles du spectre autistique. Les chercheurs concluent que, bien qu'il soit prouvé que certains traitements permettent de réduire les comportements violents, leur efficacité reste incertaine, en particulier pour ces deux troubles fondamentalement différents.
La revue met aussi en lumière la violence dont sont souvent victimes les soignants et les membres de la famille des personnes atteintes de maladies mentales graves. Selon les données récoltées, un membre de la famille sur cinq est concerné.
Une étude s’intéresse également à l’évaluation des risques de la violence, tandis qu’un article met en lumière le rôle joué par la maladie mentale dans les fusillades de masse. Les auteurs proposent une stratégie pour étudier les causes complexes de ces événements tragiques, avec une collaboration plus large de la psychiatrie pour tenter de les prévenir. Pour les auteurs de ces travaux, il est indispensable de "rejeter délibérément l'hypothèse stigmatisante selon laquelle la psychopathologie est le principal moteur d'une fusillade de masse".
Enfin, un article sur la prévention de la violence par arme à feu plaide en faveur de lois d'État permettant aux psychiatres ou à d'autres professionnels de demander au tribunal d'ordonner le retrait des armes à feu des patients qui présentent un "risque imminent" de préjudice pour eux-mêmes ou pour autrui. Ce type d’ordonnance de protection a déjà fait ses preuves dans certains États, en permettant aux forces de l'ordre de retirer temporairement les armes à feu des personnes dont le comportement indique un risque imminent de violence.