Forgé en 1968 par un psychologue américain d’après les mots anglais "work" (travail) et "alcoholic" (alcoolique), le workaholisme désigne, selon les mots de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail (INRS) "un investissement excessif d'un sujet dans son travail et à une négligence de sa vie extraprofessionnelle". Ce sont aussi des sujets qui travaillent beaucoup : en moyenne, sept heures de plus par semaine que les autres travailleurs.
De plus en plus médiatisée ces dernières années, cette dépendance pathologique au travail n’est pas sans conséquence pour la santé mentale et physique. Une nouvelle étude, menée par des chercheurs de la National Research University Higher School of Economics (HSE) à Moscou, en Russie, montre que les "bourreaux de travail" sont plus à risque de développer certains troubles comme la dépression, l’anxiété ou les troubles du sommeil. Elle vient d’être publiée dans l'International Journal of Environmental Research and Public Health.
Une mesure précise du contexte dans lequel s’exerce l’emploi
Pour parvenir à cette conclusion, les scientifiques ont utilisé le modèle de Karasek, qui est un outil d’évaluation des facteurs psychosociaux au travail. Celui-ci définit quatre environnements de travail différents (quatre quadrants) dans lesquels les travailleurs peuvent connaître un niveau différent d'exigences professionnelles et de contrôle du travail : passif, peu contraignant, actif, et tendu/contraignant. Le contrôle de l'emploi est la mesure dans laquelle un employé se sent maître de son travail.
Les personnes appartenant aux deux dernières catégories, généralement hautement qualifiées et occupant des postes à responsabilités, ont des exigences professionnelles élevées et un contrôle élevé de leur travail. La dernière catégorie comprend particulièrement des travailleurs à risque de troubles liés au stress. Ce sont par exemple les professionnels de santé des services d'urgence qui sont régulièrement en situation de stress au travail parce qu'ils ne peuvent pas contrôler l'énorme charge de travail.
Les femmes deux fois plus touchées
L'étude a été menée en France auprès de 187 travailleurs ayant accepté de participer à une étude transversale en ligne. Les auteurs les ont divisés en différentes catégories suivant leur groupe professionnel et ont étudié le lien entre le risque de dépendance au travail et les résultats en matière de santé mentale et physique.
Les résultats montrent que les exigences professionnelles élevées au travail sont fortement associées au risque d'addiction au travail. En revanche, le niveau de contrôle du travail ne joue pas le même rôle. La prévalence du risque d'addiction au travail est plus élevée pour les travailleurs actifs et à forte contrainte que pour les travailleurs passifs et à faible contrainte. Ces deux groupes de travailleurs semblent être plus vulnérables et peuvent donc souffrir davantage des conséquences négatives du risque d'addiction au travail, en termes de dépression, de troubles du sommeil, de stress et d'autres problèmes de santé.
Les chercheurs ont aussi découvert que les personnes présentant un risque élevé de dépendance au travail ont deux fois plus de risque de développer une dépression. La qualité du sommeil était aussi plus faible chez les travailleurs présentant un risque élevé d'addiction au travail. Enfin, les femmes présentent un risque de dépendance au travail presque deux fois plus élevé que les hommes.