Les effets sur la santé des polluants environnementaux sont de mieux en mieux compris. Ces polluants sont présents dans de nombreux produits, des médicaments aux pesticides en passant par les produits cosmétiques et alimentaires. Une fois dans l’organisme, ils se fixent sur des récepteurs des cellules, à la place de molécules endogènes. Ces perturbateurs endocriniens peuvent conduire “au dérèglement de certains mécanismes physiologiques”, décrivent les chercheurs de l’Inserm dans un communiqué publié le 13 janvier. Les chercheurs y décrivent l’effet cocktail, “c’est-à-dire l’effet que peut avoir un mélange de ces différentes substances sur la santé”. Les conclusions de ces recherches ont été publiés le 5 janvier dans le PNAS.
Les perturbateurs se mélangent dans l’organisme
Les perturbateurs endocriniens agissent rarement de manière isolée. “Ils s’additionnent et forment des combinaisons qui peuvent dans certains cas être nocives”, poursuivent les chercheurs de l’Inserm qui ont travaillé en collaboration avec des chercheurs de l’université de Montpellier et du CNRS au Centre de biologie structurale et à l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier. Depuis 2015 ces scientifiques concentrent leurs recherches sur ces effets cocktails. Ils ont découvert que certains perturbateurs endocriniens, a priori inoffensifs individuellement à des doses trouvées dans l’environnement, peuvent dans certains cas avoir un effet plus nocif s’ils sont mélangés.
“Les scientifiques avaient montré que deux de ces composés, en l’occurrence le 17α-éthinylestradiol (qui rentre dans la composition de certaines pilules contraceptives) et le TNC (un pesticide organochloré interdit mais persistant dans les sols), peuvent se fixer simultanément sur un même récepteur présent dans le noyau des cellules, appelé PXR, ont rappelé les chercheurs de l’Inserm. Ce récepteur contrôle l’expression de différents gènes impliqués dans la régulation de diverses fonctions physiologiques. En se liant à ce récepteur, chacun de ces deux perturbateurs endocriniens y attire l’autre, augmentant la quantité de produit fixé. On parle alors d’‘effet synergique’.”
Un effet synergique entre des perturbateurs qui renforce la toxicité
Dans la nouvelle étude, les chercheurs ont utilisé la méthode de la “cristallographie” pour observer les liaisons chimiques à l’échelle de l’atome. Ils ont également eu recours à des modèles cellulaires et in vivo dans des modèles amphibiens. Cela leur a permis d’étudier les interactions entre le récepteur PXR et 13 perturbateurs endocriniens d’abord seuls puis en binôme “en fonction de leur affinité avec le récepteur, leur diversité chimique et leur persistance dans l’environnement.”
Les chercheurs se sont rendus compte que le récepteur PXR possède quatre poches avec des caractéristiques moléculaires et physico-chimiques spécifiques. “Cela permet à des substances de structure très différente d’interagir avec lui et de s’y fixer simultanément”, décrivent-ils. Ce récepteur fait également preuve d’une grande plasticité, ce qui permet la fixation de combinaisons variées et inattendues de molécules. Un autre récepteur a attiré l’attention des chercheurs, le récepteur RXR, avec lequel PXR s’associe pour se fixer sur l’ADN et réguler l’expression génétique. En mélangeant trois perturbateurs endocriniens, ils ont constaté que l’activation de RXR par l’un des composés renforce l’effet synergique des deux autres perturbateurs qui sont liés à PXR, augmentant la toxicité des mélanges.
“Ces travaux nous permettent de mieux appréhender l’effet cocktail des perturbateurs endocriniens : des molécules de structure très variable peuvent interagir indirectement au sein de l’organisme avec l’obtention de mélanges toxiques pour la santé dans des modèles in vitro et animaux, conclu William Bourguet, chercheur à l’Inserm et au Centre de biologie structurale. Et ce n’est qu’un début : nous avons découvert un mécanisme expliquant certaines synergies mais ces interactions demeurent complexes et il en existe probablement d’autres. Ces résultats ne permettent pas, à ce stade, de prévoir l’impact réel de ces associations sur la santé humaine.”