ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Eczéma : pourquoi les antihistaminiques sont parfois inefficaces

Démangeaisons

Eczéma : pourquoi les antihistaminiques sont parfois inefficaces

Par Jean-Guillaume Bayard

Les démangeaisons aiguës chez les patients atteints d'eczéma ne répondent pas toujours aux antihistaminiques. Les signaux de démangeaisons sont transmis au cerveau le long d'une voie jusque-là inconnue que les médicaments ne ciblent pas.

Rawpixel/iStock
Les démangeaisons aiguës impliquent un type différent de cellule dans la circulation sanguine que l'eczéma qui transmet des signaux de démangeaison aux nerfs.
Les patients ont signalé des épisodes de démangeaisons aiguës souvent après une exposition à des allergènes environnementaux.

En plus d'une éruption cutanée, de nombreuses personnes souffrant d'eczéma éprouvent également des démangeaisons chroniques. Ces démangeaisons peuvent devenir tortueuses et les antihistaminiques utilisés pour les traiter n'aident souvent pas. Des chercheurs américains ont identifié des allergènes présents dans l'environnement comme responsables de ces épisodes de démangeaisons aiguës. Ils ont également constaté que les démangeaisons ne répondent souvent pas aux antihistaminiques car les signaux de démangeaisons sont transmis au cerveau le long d'une voie jusque-là inconnue que les médicaments actuels ne ciblent pas. Ces résultats ont été présentés le 14 janvier dans la revue Cell.

Remise en cause des connaissances

Les résultats de cette étude remettent en cause les circuits neuronaux responsables des démangeaisons jusque-là imaginés. “Il y a des années, nous pensions que les démangeaisons et la douleur étaient transportées le long des mêmes lignes dans les nerfs jusqu'au cerveau, mais il s'est avéré que ce n'était pas le cas, avance le chercheur principal et dermatologue Brian Kim. Ces nouvelles découvertes montrent qu'il existe une autre voie à l'origine de ces épisodes de crise aiguë de démangeaisons chez les patients atteints d'eczéma.”

Les chercheurs estiment que leur découverte ouvre la voie à un traitement efficace pour ces démangeaisons. “La démangeaison peut être exaspérante, poursuit le chercheur. Les patients peuvent évaluer leur démangeaison chronique à environ 5 sur une échelle de 10, mais cela va jusqu'à 10 pendant les poussées de démangeaisons aiguës. Maintenant que nous savons que ces poussées aiguës se transmettent d'une manière totalement différente, nous pouvons cibler cette voie et peut-être pouvons-nous aider ces patients.”

Les allergènes environnementaux responsables des démangeaisons aiguës

La voie typique des démangeaisons chez les patients atteints d'eczéma implique des cellules de la peau qui sont activées puis libèrent de l'histamine, qui peut être inhibée avec des médicaments antihistaminiques. Les démangeaisons aiguës impliquent un type différent de cellule dans la circulation sanguine qui transmet des signaux de démangeaison aux nerfs. Ces cellules produisent une substance non histamine qui déclenche des démangeaisons sur lesquelles les antihistaminiques ne fonctionnent pas. “Chez les patients qui éprouvent des épisodes de démangeaisons aiguës, leur corps réagit de la même manière que chez les personnes allergiques aiguës, décrit Brian Kim. Si nous pouvons bloquer cette voie avec des médicaments, cela pourrait représenter une stratégie pour traiter non seulement les démangeaisons mais d'autres problèmes, y compris peut-être le rhume des foins, la fièvre et l’asthme.”

Plusieurs études ont testé une stratégie consistant à bloquer l'immunoglobuline E (IgE), une substance produite par le système immunitaire en réponse à des allergènes. Les patients allergiques produisent des IgE, provoquant des réactions allergiques, mais son rôle dans les démangeaisons n'est pas clair. Les chercheurs ont découvert que les patients ont signalé des épisodes de démangeaisons aiguës souvent après une exposition à des allergènes environnementaux. Ils ont également constaté que les patients atteints d'eczéma qui fabriquent des IgE en réponse à des allergènes dans l'environnement sont plus susceptibles de ressentir ces épisodes de démangeaisons sévères et aiguës. “Les allergènes environnementaux favorisent en fait ce type de démangeaisons, poursuit le chercheur. Disons qu'un patient atteint d'eczéma va chez sa grand-mère, où il y a un chat, et que les démangeaisons de cette personne deviennent folles. Il est probable que les poils de chat activent les IgE et les IgE déclenchent les démangeaisons.”

Une nouvelle voie thérapeutique

Des tests sur les souris ont permis aux chercheurs de se rendre compte que lorsque les souris fabriquent des IgE, elles commencent à se démanger. Contrairement aux signaux de démangeaison standard dans lesquels les cellules de la peau libèrent de l'histamine, les IgE chez les souris atteintes d'eczéma ont activé un type de globule blanc appelé basophile. Ces cellules ont ensuite activé un ensemble de cellules nerveuses entièrement différent de celui des cellules qui portent des signaux de démangeaison qui répondent aux antihistaminiques.

La découverte que les démangeaisons aiguës liées à l'eczéma sont liées à l'exposition aux allergènes peut aider les personnes malades à éviter les choses qui les font démanger intensément, comme les animaux, la poussière, les moisissures ou certains aliments. Parallèlement, il offre de nouvelles cibles pour traiter les démangeaisons chez les patients atteints d'eczéma, comme des protéines et des molécules identifiées le long de cette voie neuro-immunitaire nouvellement identifiée.