Les douleurs chroniques, telles que les maux de dos et l’arthrose du genou, peuvent être très handicapantes. Lorsque les analgésiques de première intention, comme le paracétamol et l'ibuprofène, ne parviennent pas à améliorer les symptômes, de nombreuses personnes se voient prescrire des antidépresseurs pour soulager leur douleur. Ces prescriptions sont devenues courantes, pourtant les preuves scientifiques de leur efficacité sont incertaines. Une nouvelle étude menée par des chercheurs australiens de l’université de Sydney et publiée le 20 janvier dans le BMJ montre que les antidépresseurs n’offrent que peu ou pas d'aide aux personnes souffrant de maux de dos chroniques et d'arthrose et peuvent même causer des dommages.
Encore moins efficace pour les maux de dos que pour l’arthrose
Les chercheurs ont examiné l'efficacité et l'innocuité des antidépresseurs pour le traitement des maux de dos et de l'arthrose. Les auteurs espèrent que cela pourra aider à prendre des décisions plus éclairées sur l'opportunité de traiter ces douleurs avec des antidépresseurs. “L'utilisation d'antidépresseurs pour traiter les personnes souffrant de maux de dos chroniques et d'arthrose augmente dans le monde entier, mais avant nos travaux, il n'était pas clair si les antidépresseurs soulageaient la douleur ou étaient sûrs”, poursuit l'auteur principal, le Dr Giovanni Ferreira, chercheur à l’Institut de santé musculo-squelettique de l'Université de Sydney.
Pour l’étude, les chercheurs ont effectué une revue de tous les essais cliniques randomisés évaluant l'efficacité des antidépresseurs pour les personnes souffrant de maux de dos ou d'arthrose du genou. Ils ont constaté que pour les maux de dos, les antidépresseurs sont inefficaces ou produisent un très petit effet. Pour les personnes souffrant d'arthrose, les effets sont encore faibles, “mais pourraient être perçus comme valables par certains patients”, note Giovanni Ferreira. C'est préoccupant car certains antidépresseurs augmentent considérablement le risque qu'une personne éprouve des effets indésirables. De nombreuses personnes sont traitées avec ces médicaments qui peuvent ne pas soulager leur douleur et peuvent leur faire du mal.”
Des effets secondaires indésirables
Dans le détail, les chercheurs ont effectué une méta-analyse de 33 essais contrôlés randomisés qui ont inclus plus de 5 000 participants souffrant de douleurs lombaires ou cervicales, de sciatique ou d'arthrose de la hanche ou du genou. Les essais ont testé six classes d'antidépresseurs, y compris les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSN) et les antidépresseurs tricycliques. Aucun des patients ne souffrait de dépression puisque les résultats s'appliquent aux patients traités avec ces médicaments pour leur état de douleur et non à la dépression. L'étude a établi une échelle de 0 à 100 pour estimer les effets sur la douleur et les chercheurs estiment que 10 points sont nécessaires pour que les antidépresseurs soient considérés comme utiles.
Les IRSN ont eu un effet limité sur les maux de dos, réduisant la douleur de seulement 5,3 points sur 100 sur l'échelle de la douleur par rapport au placebo après trois mois. Les IRSN ont eu un effet légèrement plus fort sur la douleur arthrosique après trois mois, avec une différence moyenne de 9,7 points sur l'échelle de la douleur par rapport au placebo. Les antidépresseurs tricycliques sont inefficaces pour les maux de dos. Les antidépresseurs tricycliques et les IRSN pourraient réduire la douleur chez les personnes atteintes de sciatique mais “les preuves ne sont pas suffisantes pour tirer des conclusions définitives”, précisent les chercheurs. En outre, environ deux tiers des patients prenant des antidépresseurs IRSN ont eu au moins un événement secondaire indésirable tel que des nausées.
Ne pas arrêter les traitements en cours
Malgré ces découvertes, les chercheurs ne préconisent pas un arrêt brutal de la prise d’antidépresseurs pour les patients qui les utilisent pour traiter les maux de dos et l'arthrose. “Cela peut conduire à des effets de sevrage qui peuvent être pénibles et parfois présenter comme de graves problèmes de santé, révèle le professeur Andrew McLachlan, co-auteur de l’étude. Ces effets de sevrage comprennent des étourdissements, des nausées, de l'anxiété, de l'agitation, des tremblements, de la transpiration, de la confusion et des troubles du sommeil.”