- Les cellules cancéreuses utilisent la fermentation du glucose et non sa combustion pour acquérir de l'énergie
- Les cellules immunitaires utilisent ce même procédé de transformation de l'énergie grâce à une enzyme
- Bloquer cette enzyme permettrait de stopper la croissance des cellules cancéreuses
Depuis près d’un siècle, la communauté scientifique s’interroge sur un phénomène étrange : les cellules cancéreuses utilisent l’énergie contenue dans le glucose d’une manière totalement différente, en comparaison aux autres cellules de l’organisme. Ce processus de transformation de la matière en énergie ne repose pas sur la combustion, mais sur la fermentation. Le médecin allemand, prix Nobel de médecine en 1931, Otto Heinrich Warburg, a découvert ce phénomène en 1921, il a ensuite pris son nom et est devenu l’effet Warburg. Depuis, des scientifiques à travers le monde s’interrogent : pourquoi les cellules cancéreuses ont recours à ce processus, alors qu’il n’est pas le plus efficace pour transformer l’énergie ? Dans la revue spécialisée Science, une équipe de recherche américaine présente son hypothèse.
L’enzyme PI3 : le commandant en chef de notre métabolisme cellulaire
D’après leur recherche, tout serait lié à une enzyme, appelée phosphoinositide 3-kinase (PI3). "La kinase PI3 est une molécule émettrice de signaux fondamentale, elle fonctionne presque comme un commandant en chef du métabolisme cellulaire", précise Ming Li, auteur principal de l’étude. Elle est impliquée dans la division, la croissance et la survie des cellules. Dans le cas du cancer, les signaux qu’elle émet participent également au développement de la maladie. Lorsque les cellules cancéreuses utilisent l’effet Warburg, le niveau de PI3 augmente à l’intérieur des cellules. Les enzymes transmettent aux cellules cancéreuses un signal qui les conduit à se diviser ensuite. "C’est l’une des trajectoires de signalement les plus actives dans le cancer", précise l’auteur.
Un phénomène complexe, analysé dans des cellules immunitaires
Pour mieux comprendre pourquoi ce phénomène repose sur l’effet Warburg, les chercheurs ont analysé le même effet ailleurs dans l'organisme : dans les cellules immunitaires. Ces dernières utilisent le même procédé de transformation de l’énergie. "Lorsque les cellules immunitaires sont prévenues de la présence d’une infection, les cellules T passent de la méthode de combustion classique à la métabolisation de Warburg", expliquent les chercheurs dans un communiqué. Celle-ci permet de produire de l’ATP, qualifiée de monnaie énergétique des cellules par les chercheurs. Ce processus de "switch" d’une méthode de transformation à un autre repose sur l’enzyme LDHA, pour lactate deshydrogénase A. Or, lorsque cette enzyme manque, les cellules ne sont plus capables de maintenir leur niveau de PI3, ce qui bloque la division des cellules T et les empêche de combattre les infections.
Que se passe-t-il dans les cellules cancéreuses ?
D’après Ming Li, l’observation des cellules immunitaires fournit une explication à l’utilisation de l’effet Warburg : comme les cellules ont besoin d’ATP rapidement pour démarrer leur processus de division, elles s’appuient sur ce mécanisme. Les cellules cancéreuses utiliseraient le même procédé pour maintenir l’envoi des signaux aux différentes cellules, et assurer ensuite la poursuite de leur croissance et de leur division. Les chercheurs aimeraient mettre ces découvertes en application : bloquer l’activité de LDHA pourrait ainsi permettre de bloquer la croissance des cellules cancéreuses.