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Neuroscience

Les têtes brûlées ont moins de matière grise

Par Jean-Guillaume Bayard

Les personnes qui adoptent des comportements à risque présentent un volume réduit de matière grise. Celle-ci est liée au contrôle musculaire et à la prise de décision.

Mauricio Graiki/iStock
Les chercheurs n’ont pas identifié une zone particulière de prise de risque dans le cerveau mais plusieurs associations entre ce comportement et l'anatomie cérébrale.
Les zones du cerveau présentant le moins de matière grise en corrélation avec des comportements à risque sont l'amygdale, l'hippocampe et le cervelet.
Une étude génétique a révélé que les gènes ne permettent d’expliquer que 3% de la variation du comportement à risques.

Des chercheurs ont découvert la signature cérébrale des têtes brûlées. Les personnes qui prennent le plus de risques, mettant leur vie en danger, ou qui adoptent des comportements qui entraînent des incertitudes pour l’avenir, ont un volume un peu réduit de matière grise. Une découverte faite par une équipe de chercheurs américains de la Wharton School en Pennsylvanie et publiée le 28 janvier dans la revue Nature Human Behavior. Les chercheurs rappellent que la matière grise comprend la plupart des principaux corps cellulaires des neurones du système nerveux central et est censée remplir les fonctions de base du cerveau, notamment le contrôle musculaire, la perception sensorielle et la prise de décision.

Pas une zone particulière dans le cerveau

Pour découvrir ce lien entre prise de risque et matière grise, les chercheurs ont mené une étude massive par scintigraphie cérébrale, une imagerie fonctionnelle qui permet de visualiser le fonctionnement des organes. Ils ont également étudié les données génétiques de 12 675 adultes participant à la UK Biobank, une large étude qui observe les contributions respectives de la prédisposition génétique et de l'exposition environnementale au développement de la maladie depuis 2006. L’objectif des chercheurs est de pouvoir expliquer l’origine des comportements à risque à la fois dans le génome et dans le cerveau, et d’identifier les corrélats neuro-anatomiques de la prise de risque.

Les chercheurs n’ont pas identifié une zone particulière de prise de risque dans le cerveau mais plusieurs associations entre ce comportement et l'anatomie cérébrale. “Il n'y a pas une seule région du risque dans le cerveau, poursuit Gideo Nave, auteur de l’étude. Nous identifions de nombreuses régions dont l'anatomie est altérée chez les personnes qui prennent des risques.” Pour faire le lien, les chercheurs se sont concentrés sur 4 comportements à risque auto-déclarés : le tabagisme, la consommation d’alcool, la promiscuité sexuelle et la conduite au-dessus des limites de vitesse. Ils ont ensuite créé un index de tolérance au risque avant de mesurer le volume total de matière grise dans le cerveau des participants.

Des gènes de la prise de risque

Les résultats ont révélé une corrélation entre une tolérance au risque plus élevée et un volume global de la matière grise plus faible. Un résultat qui s’est confirmé après la prise en compte de différents facteurs de confusion possible dont la taille totale du cerveau, l'âge, le sexe, la sensibilité, la consommation excessive d'alcool et les facteurs génétiques. L’examen plus spécifique des zones du cerveau a mis en avant des associations avec plusieurs régions cérébrales distinctes dont l’amygdale, impliquée dans la peur et l’émotion. Les chercheurs ont identifié des niveaux plus faibles de matière grise dans d’autres parties du cerveau qui sont associés à la propension à prendre plus de risques. Il s’agit de l’hippocampe, en lien avec la création de nouveaux souvenirs, et du cervelet, impliqué dans l’équilibre et la coordination. “Il y a de nombreuses régions impliquées, avec des tailles d'effet non négligeables”, ont écrit les chercheurs.

Les chercheurs ont également regardé s’il existe des gènes de la prise de risque. Grâce à une mesure de la variation génétique portant sur près de 300 000 personnes, ils ont découvert que ce score de risque ne permet d’expliquer que 3% de la variation du comportement à risques. Cependant, ce score apparaît corrélé à la réduction du volume de matière grise dans 3 zones cérébrales spécifiques. Il semble que les volumes de matière grise de ces 3 régions représentent une tendance génétique au comportement réel de prise de risque”, concluent-ils.

Les chercheurs avancent que des facteurs familiaux, environnementaux ou encore génétiques, ainsi qu’une corrélation entre tous ces facteurs, pourraient favoriser les comportements à risque. Ces premières données qui n’expliquent que quelques pourcents de la disposition génétique appellent à poursuivre les recherches.