- On estime que 600 000 personnes souffrent d'épilepsie en France.
Pourquoi docteur - Comment votre épilepsie s’est-elle déclarée ?
Laurène Abramovsky - Ma pathologie s’est déclenchée quand j’avais un an. Suite à une méningite, je suis restée plusieurs heures dans le coma, avec un pronostic vital engagé (les médecins étaient très pessimistes). Finalement, je m’en suis sortie, mais j’ai gardé une séquelle épileptique.
La maladie a-t-elle eu des conséquences sur votre parcours de vie ?
Oui, beaucoup. J’ai eu de grandes difficultés scolaires, car j’avais des problèmes de mémoire et de concentration.
Une fois sur le marché de l’emploi, j’ai enchaîné les CDD, car les employeurs ne connaissent pas l’épilepsie. Dès qu’il y a une crise, ils sont très surpris et très anxieux. Aujourd’hui, je suis agent d’accueil dans un cabinet d’avocat, en CDI.
Quel est aujourd’hui l’impact de l’épilepsie sur votre quotidien ?
Au niveau de la sphère professionnelle, mon épilepsie inquiète ma supérieure hiérarchique, qui est hypersensible. Je me demande même parfois si elle n’est pas plus inquiète que moi. Par ailleurs, je ne peux pas conduire. Dans les transports, j’ai toujours une petite carte artisanale pour informer les voyageurs de ma situation, au cas où j’ai une crise. Quand je sors d’un épisode, je n’ai pas toujours les mots.
Concernant ma vie de couple, mon conjoint avait déjà des amis en situation de handicap quand on s’est rencontré, donc il n’y a pas de soucis. Et comme cela fait longtemps que je souffre d’épilepsie, j’ai appris à vivre avec.
Quels sont les symptômes de votre maladie ?
Une crise d’épilepsie est une décharge au niveau du cerveau, provoquée par l’électricité qui circule dans le corps. Le livre intitulé "Un orage dans ma tête" résume bien ce que je ressens.
J’ai aussi des problèmes de concentration. Je fais beaucoup d’exercices pour entraîner ma mémoire au quotidien, je prends de la vitamine D et je fais attention à dormir suffisamment toutes les nuits. Un mauvais sommeil augmente le risque de crises, de palpitations très désagréables au niveau du cœur et de spasmes.
Je précise qu’il y a énormément de types d’épilepsie. La durée, l’intensité et le nombre de crises par mois varient en fonction des personnes. Idem pour le niveau de dépendance.
Quel(s) traitement(s) suivez-vous actuellement ?
J’ai rendez-vous tous les mois pour augmenter la fréquence et la tension de mon VNS (petit dispositif médical placé sous l’aisselle gauche, relié au nerf vague et au cerveau), pour lequelle je me suis faite opérée en novembre dernier. Je prends par ailleurs un cachet de Lamictal et une dose de Vimpat matin et soir.
Avant cela, j’ai essayé beaucoup d’autres médicaments, sans succès (je suis notamment passée par la fameuse Dépakine*). Ils étaient soit inefficaces, soit générateurs d’effets secondaire trop lourds à supporter. C’est d’ailleurs cela qui m’a décidé à me faire opérer. Aux grands maux, les grands remèdes.
A quoi sert le NVS (acronyme de "vagus nerve stimulation"), que vous venez d’évoquer ?
Quand le NVS sent venir la crise, il équilibre la tension et la stoppe. Grâce à ce dispositif, je fêterai mercredi prochain mon premier mois sans crise depuis de nombreuses années. Je m’accorde encore quelques semaines avant de crier victoire, mais je pense être sur le chemin la stabilisation.
Y a-t-il selon vous des choses à améliorer concernant l’épilepsie en France ?
Il faudrait que l’épilepsie soit mieux connue de grand public - on parle d’ailleurs de "handicap invisible". Lorsque je fais des crises, il y a très peu de passants qui les reconnaissent et savent comment réagir.
A ce propos, comment faut-il réagir face à une crise d’épilepsie ?
La première chose à faire, c’est d’éviter la chute, en accompagnant la personne par terre, puis en la plaçant en PLS. Il faut aussi éloigner tous les objets dangereux du patient (coupants, brulants, etc…).
Une crise d’épilepsie peut se manifester via des absences, des secousses, des cris… Mais c’est toujours au cas par cas.
Sentez-vous venir les crises ?
Oui. Avant mon opération, j’en avais à peu près trois ou quatre par mois. Toujours pendant la journée, jamais de nuit.
L’épilepsie impacte-t-elle vos éventuels projets d’enfants ?
Nous voulons des enfants avec mon conjoint, donc je ne ferme pas la porte à une future grossesse, même si elle devra être surveillée de très près par mon gynécologue et mon neurologue. On a tous été échaudés par le sandale sanitaire de la Dépakine.
*médicament accusé de provoquer des malformations chez les enfants exposés pendant la grossesse.