Fréquentes mais relativement peu connues du grand public, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, ou MICI, touchent environ 200 000 personnes en France. Conséquences d’une réponse immunitaire inadaptée contre les bactéries normales qui forment le microbiote intestinal, elles se caractérisent par d’importantes lésions, voire de fistules, au niveau du côlon et du rectum (rectocolite hémorragique ou colite ulcéreuse) ou de l’ensemble du tube digestif (maladie de Crohn), occasionnant des douleurs abdominales, une grande fatigue et des saignements.
Bien que l’origine des MICI soit encore en grande partie inconnue, les recherches se multiplient pour mieux comprendre ces maladies chroniques et leur apporter des traitements. Deux études publiées ces derniers jours offrent des perspectives thérapeutiques encourageantes.
Réparer les tissus intestinaux endommagés
La première, menée par des chercheurs de la KU Leuven et de l'université nationale de Séoul (Corée du Sud), et publiée dans la revue scientifique Gut, pointe le rôle essentiel joué par les macrophages dans la réparation des tissus intestinaux endommagés. Ces globules blancs jouent divers rôles dans l'inflammation et la réparation des tissus : ils consomment des corps étrangers, éliminent les débris des cellules endommagées et libèrent des substances participent au processus de réparation des tissus.
"Notre idée est que la migration des macrophages vers les tissus endommagés dans les MICI est essentielle pour stimuler leur guérison", explique le professeur Gianluca Matteoli, immunologiste au Centre de recherche translationnelle sur les troubles gastro-intestinaux (TARGID) de la KU Leuven et auteur principal de la recherche.
Les chercheurs ont découvert dans les intestins un sous-groupe de macrophages répondant à la prostaglandine E2 (PGE2), une molécule du système immunitaire impliquée dans la régénération des tissus. Ils ont constaté que les patients souffrant d’une MICI aiguë avaient une quantité moindre de ces cellules bénéfiques, tandis que leur quantité augmentait chez les patients en rémission. "Cela suggère qu'ils font partie du processus de réparation", avance le Pr Matteoli.
Pour vérifier leur hypothèse, les chercheurs ont utilisé un modèle de souris souffrant de colite ulcéreuse. Le nombre de macrophages sensibles à la prostaglandine était plus faible dans le modèle que chez les souris saines. Ils ont cependant constaté que si les niveaux de PGE2 augmentaient, les quelques macrophages sensibles présents réagissaient, libérant une substance qui à son tour stimulait la régénération des tissus.
En revanche, si les récepteurs PGE2 des macrophages étaient neutralisés, le niveau de régénération des tissus diminuait. "Nous savions déjà que les prostaglandines étaient importantes pour induire la prolifération des cellules tissulaires, mais cette étude montre qu'elles sont également importantes pour contrôler l'effet inflammatoire, faisant ainsi passer l'organisme du stade aigu où l'inflammation domine au stade réparateur", souligne le professeur Matteoli, qui espère désormais que ces recherches vont déboucher sur des nouveaux traitements qui pourront stimuler la réparation des tissus endommagés.
Cibler le "talon d’Achille" d’une bactérie impliquée dans la maladie de Crohn
Publiée dans Cell Host and Microbe, la seconde étude a mis en lumière le "talon d’Achille" d’un type de bactérie intestinale, Escherichia coli (e‧coli), qui provoque une inflammation intestinale chez les patients atteints de la maladie de Crohn.
"L'étude révèle un point faible de la bactérie qui peut être ciblé thérapeutiquement", affirme l'auteur principal, le Dr Randy Longman, professeur associé de médecine dans la division de gastro-entérologie et d'hépatologie et directeur du Centre Jill Roberts pour les maladies inflammatoires de l'intestin à la Weill Cornell Medicine et au NewYork-Presbyterian.
Ce "talon d’Achille" est en réalité un métabolite produit par la bactérie e‧coli et qui interagit avec les cellules du système immunitaire dans la paroi de l'intestin, déclenchant une inflammation. En interférant avec ce processus, il est possible de soulager l’inflammation intestinale de la maladie de Crohn, affirment les chercheurs, qui ont testé leur approche sur des souris.
Pour trouver ce "talon d'Achille", les chercheurs ont ciblé un processus que la bactérie e.coli utilise pour se développer. Il s’agit du 1,2-propanediol, un sous-produit de la fermentation du sucre dans l'intestin. Lorsqu’e.coli convertit le 1,2-propanediol, elle déclenche un processus d’inflammation.
En modifiant génétiquement e.coli pour qu’elle ne puisse pas convertir le 1,2-propanediol, les chercheurs ont constaté que la quantité de sucre dans l’intestin diminue, ce qui réduit l’inflammation.
"La modification d'une voie métabolique chez un type de bactéries peut avoir un impact important sur l'inflammation intestinale", et en particulier à de meilleurs traitements pour la maladie de Crohn, affirme le Dr Monica Viladomiu, co-autrice de l'étude.