25 millions de dollars pour répondre à une question. C’est la somme que les instituts américains de santé viennent de mettre sur la table. Ils veulent savoir s’il serait pertinent de séquencer le génome de tous les bébés à leur naissance.
Quatre projets de recherche sont donc lancés sur cinq ans. Leur objectif : analyser les bénéfices mais aussi les risques de séquencer le génome de tous les nouveaux-nés aussi bien du point de vue technique, que médical et éthique. Autrement dit, est-ce que le dépistage précoce de certaines anomalies génétiques qui prédisposent à certaines maladies peut changer le destin des enfants ?
Bien sûr, lire comme dans un livre dans le patrimoine génétique d’un enfant ne permet pas de prédire son avenir dans les moindres détails. Notre santé ne dépend pas que de nos gènes. Par exemple, le déclenchement d’une hépatite virale à 15 ans ne pourra pas être détecté. Mais, si un enfant a une prédisposition génétique au diabète de type 2, il peut s’avérer utile de mettre en place une bonne hygiène alimentaire dès le plus jeune âge.
50 heures pour séquencer le génome d'un bébé
Début 2014, les nouveaux-nés et leurs familles qui feront partie de ce programme de recherche, seront recrutés. En à peine 50 heures, le génome de ces bébés sera séquencé, pour quelques centaines de dollars. Mais, « nous nous demandons : si vous avez cette information, si vous avez le livre de votre vie, si vous avez toutes les lettres de votre ADN sous les yeux, comment les utilisons-nous ? » a déclaré le Dr Robert Green, généticien à l’hôpital de Brigham, l’un des quatre établissements qui participent au projet. En effet, le séquençage du génome est une technique encore relativement nouvelle qui suscite beaucoup d’interrogations. Et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, à l’heure actuelle, il y a certaines mutations génétiques dont on ne connaît pas les conséquences.
Ecoutez le Dr Laurent Alexandre, président de la société DNAVison spécialisée dans le séquençage des tumeurs : « Aujourd'hui, nous savons lire notre ADN de façon très correcte mais nous ne savons pas encore modifier les morceaux de notre ADN. C'est une période intermédiaire »
Par ailleurs, dépister une maladie à la naissance ne signifie pas qu’on l’on est capable de la soigner, et encore moins de la guérir. Dans ces conditions, faut-il annoncer aux parents que leur enfant développera une maladie ? Et les médecins doivent-ils faire le tri dans les informations recueillies ? Toutes ces questions devraient trouver leurs réponses d’ici 5 ans.
Bien sûr, il existe déjà des dépistages néonataux et notamment le test sanguin de Guthrie. Mais ce test sanguin permet de détecter six maladies génétiques, et non les quelque 7000 pathologies qui ont pour origine une anomalie génétique. « Mon espoir est que cela nous donnera des informations solides sur la spécificité du test génétique, par rapport à des tests biochimiques standard pour les troubles que nous dépistons déjà », a déclaré Robert Nussbaum, qui dirige la division de génétique médicale de l’université de Californie.
« 100% des bébés séquencés en 2020 »
En France, le séquençage à grande échelle de tous les nouveaux nés n’est pas pour tout de suite. Cependant, pour le Dr Laurent Alexandre, nous prenons le même chemin que les Etats-Unis. « Je pense que 100% des bébés seront séquencés au début des années 2020. Et j’ai même la conviction que ce séquençage se fera avant la naissance. » Pour le président de la société DNAVison spécialisée dans le séquençage des tumeurs, l’obstacle éthique n’est pas du tout infranchissable.
Ecoutez le Dr Laurent Alexandre : « Dans 10 ans, il n'y aura plus de problème éthique. Les gens ne voudront pas attendre de découvrir les premiers symptômes de la maladie.»
Le séquençage du génome des bébés pourrait donc devenir un test de routine. Dans certains états américains, comme la Californie, c’est déjà le cas. Certains s’en inquiètent, d’autre y voient un formidable moyen de faire progresser la recherche. En effet, plus on séquencera de génome, moins les gènes auront de secrets pour nous.