Il y a un siècle, entre avril 1918 et le printemps 1919, une souche particulièrement virulente et contagieuse de grippe A (H1N1) décimait entre 25 et 50 millions de personnes de la population mondiale.
Connue sous le nom de "grippe espagnole", cette pandémie passée a aujourd’hui beaucoup à nous apprendre sur l’évolution possible de la Covid-19 à travers le monde. C’est en tout cas la conclusion à laquelle est parvenu Siddharth Chandra, professeur au James Madison College de l'université d'État du Michigan (MSU) aux États-Unis. Dans ses recherches publiées dans l’American Journal of Public Health, il fait le lien entre ses recherches sur la grippe espagnole et la pandémie de Covid-19. "C'était tellement surréaliste ! Tout d'un coup, je vivais mes recherches", affirme le Pr Chandra.
Des données résonnant avec la pandémie de Covid-19
Les travaux du chercheur se sont concentrés sur l’infection et la mortalité dues à la grippe espagnole entre 1918 et 1920 dans le Michigan, où 15 000 personnes sont décédées. En analysant les données recueillies, il a identifié quatre vagues distinctes : le premier pic a eu lieu en mars 1918, le deuxième en octobre 1918 qui a conduit le gouverneur de l’État à instaurer une interdiction des rassemblements publics. "Tout comme les restrictions qui ont été mises en place pendant la pandémie de Covid-19", souligne le Pr Chandra, qui note qu’après trois semaines, le nombre de cas a diminué et l’interdiction levée, ce qui a conduit à une troisième vague en décembre 1918. "L'interdiction n'a pas arrêté la propagation de la grippe. Elle a juste retardé la hausse des cas."
La cartographie des données montrant les pics épidémiques au fil du temps montre que le virus s’est déplacé des comtés de la partie sud de l’État en octobre 1918 vers le centre de l’État en décembre. Mais la donnée la plus surprenante est apparue en février 1920, lorsque l’État a connu sa vague la plus importante.
Le risque d’une forte vague épidémique fin 2021
Pour le Pr Chandra, cette forte hausse des cas est dû à la fin de la Première Guerre mondiale, lorsque les hommes sont retournés dans leurs familles. "Nous avions un agent mobile qui ramenait le virus à la maison pour infecter les membres de la famille, ce qui expliquerait l'augmentation des cas chez les enfants et les personnes âgées", avance le chercheur, qui explique qu’il ne s’agit pour l’heure que de suppositions.
Il est aussi possible que les températures fraîches et la faible humidité de l’air en février 1920 aient fourni des conditions optimales pour la propagation du virus. Enfin, le dernier facteur qui a joué un rôle est l’absence de vaccin. Une grande différence avec la pandémie actuelle, puisque plusieurs vaccins sont aujourd’hui disponibles.
Le Pr Chandra estime que l'un des principaux enseignements de la pandémie de 1918 qui peut éclairer la réponse de santé publique à la pandémie de Covid-19 est le nombre de personnes sensibles au virus. Selon lui, cela signifie qu'il est possible qu'un pic comme celui de février 1920 se produise fin 2021 ou début 2022. "Tant de personnes resteront sensibles jusqu'à ce qu'elles soient vaccinées. De mauvaises choses peuvent encore se produire dans un an ou deux, même si nous constatons une diminution du nombre de cas aujourd'hui. Il y a encore plus de 200 millions de personnes qui se promènent et qui sont sensibles au virus, moi y compris", conclut-il.