Les antibiotiques ne sont pas automatiques, mais les contrôles de la Sécu le sont… « Attention, radars ! » Tel est le message que veut faire passer l’assurance-maladie en communiquant les résultats de sa lutte contre les abus et les fraudes. « Certains médecins se font flasher avec des prescriptions d’indemnités journalières (IJ) dépassant largement la moyenne nationale, qui est de 2200 IJ par an, raconte le Dr Pierre Fender, le directeur du contrôle du contentieux et de la répression des fraudes à l’assurance-maladie. Il évoque le cas d’un généraliste dans le sud de la France qui en a prescrit plus 15 000. La CPAM de son département l’a placé « sous accord préalable ». Impossible pour lui de prescrire un arrêt de travail à un patient sans avoir l’aval du médecin conseil pendant 6 mois. Pour ce motif, 140 médecins se sont retrouvés dans cette situation en 2008.
Les contrôles ne concernent pas seulement les arrêts de travail injustifiés : abus des remboursements à 100 %, mésusage des substitutifs aux opiacés, prescriptions abusives de transport sanitaire, la Caisse nationale passe tout à la loupe. Et surtout à la moulinette de ses ordinateurs. Est-ce efficace ? En 2006, la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) réalisait 90 millions d’économies directes. En 2008, ces économies atteignent 131 millions d’euros. « Au total, depuis le lancement du programme nationnal en 2005, ce sont 358 millions d’euros qui ont été économisés, annonce Frédéric Van Roekeghem, le directeur de la Cnam. Soit l’équivalent de l’acquisition de 260 IRM ou de la prise en charge de 210 000 assurés pendant un an…
Evidemment, ces montants ne concernent pas seulement les contrôles auprès des médecins. « Cela concerne l’ensemble de nos actions auprès des assurés, des établissements hospitaliers, des employeurs, nous voulons toucher l’ensemble du système, précise le directeur de la CNAM. En 2008, un programme de contrôle spécifique a été lancé sur les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD). La majorité des Ehpad a été contrôlée. A la fin 2008, 15, 4 millions d’euros d’infractions ont été détectées et stoppées. Cette année, ce sont l’hospitalisation à domicile et les fournisseurs de matériel médicaux qui seront dans le collimateur.
Quelle que soit la cible, l’assurance-maladie promet d’aller jusqu’au bout. En 2008, les actions engagées par les caisses ont abouti à 230 condamnations pénales. Depuis 2005, le nombre de journées de prison ferme a été multipliée par 3 ! Les condamnations financières se sont élevées au total à 2, 3 millions d’euros l’année dernière. Les actions engagées débouchent également sur des interdictions d’exercer pour les professionnels de santé. Un médecin a été interdit d’exercice pendant 3 ans suite à un cumul de fraudes à la facturation et de dépassements d’honoraires. Ainsi en 2008, les instances ordinales ont prononcé près de 300 interdictions à l’encontre des professionnels de santé, suite aux plaintes des caisses. A noter, le législateur a renforcé pour 2009 le dispositif des pénalités financières. Les plafonds sont majorés à 200 % des sommes indûment présentées au remboursement. Pour la fraude en bande organisée, le plafond est porté à 300 %.
«Notre finalité, c’est de dissuader et de favoriser le respect des règles», déclare Frédérick van Roeckeghem. Le contrôle de l’ordonnancier bi-zone, engagé en 2006, est un exemple. « Les dépenses dues pour ce type de faute ont nettement diminué. Elles atteignaient les 20 millions d’euros en 2006, elles sont passées à 1,3 million en 2008 », selon le directeur de la Cnam. La dissuasion musclée n’est pas toujours bien appréciée, d’autant plus lorsqu’elle est faite à partir de seuils statistiques.
Questions au Dr Pierre Fender, directeur du contrôle du contentieux et de la répression des fraudes à l’Assurance maladie
« La mise sous accord préalable va être étendue »
Comment sont détectées les fraudes ?
Dr Pierre Fender. Elles sont détectées par trois grands moyens. Le premier, c’est l’analyse du dossier de remboursement par le technicien de la caisse primaire d’assurance maladie. Le deuxième, ce sont des signalements, des témoignages qui nous sont adressés. Le troisième, ce sont des détections à partir de bases de données informatiques.
A quoi correspondent les mises sous contrôle préalable ? Dr P. F. C’est une procédure d’encadrement de la prescription du médecin pour éviter les abus. A chaque fois que le médecin prescrit, il doit la justifier auprès de la caisse. Cette procédure est engagée suite à une comparaison statistique des prescriptions du médecin par rapport à ses confrères. En 2008, 146 médecins ont été mis sous accord préalable pour abus d’arrêt de travail. 300 autres médecins sont entrés dans cette procédure pour des abus de prescriptions de masso-kinésithérapie et de transport sanitaire. Progressivement, le champ de cette procédure sera étendu à d’autres prestations.
Concrètement comment cela se passe ? Dr P. F. Si des abus sont repérés, le directeur de la caisse informe le médecin par courrier et écoute les justifications du professionnel. En fonction de la conclusion de leur entretien, le directeur peut convoquer une commission composée de représentants de la caisse et des libéraux pour avoir un avis. Après cela, le directeur décide de la mise sous accord préalable du médecin. Aujourd’hui, la durée moyenne de ces mises sous accord préalable est de 4 mois.